Résoudre les problèmes suppose de les avoir préalablement posés. Et à lire ce livre, on se rend compte que ce n'est pas enfoncer une porte ouverte que de le rappeler. La conviction des auteurs est que l'éducation, aujourd'hui, souffre de ce que les problèmes auxquels elle est confrontée sont peu ou mal posés, et que par conséquent une démarche d'éclaircissement plus que jamais s'impose. Il peut paraître paradoxal de réclamer à la philosophie d'accomplir un tel travail d'éclaircissement. Quelle discipline est en effet plus spéculative que la philosophie ? Ne rêvons pas, aucune philosophie de l'éducation ne rendra les questions éducatives plus intelligibles aux yeux du grand public. En revanche, les voix de Marcel Gauchet et de ses collaborateurs mériteraient certainement d'être entendues des professionnels de l'éducation. Car même si leur propos est parfois aride, il permet sur bien des points, en démasquant les contradictions, les limites des discours sur l'éducation, d'effectuer un travail d'identification des problèmes qui souvent se révèle des plus éclairants. Un exemple parmi d'autres : celui de l'éducation civique. Quels objectifs lui assigner ? La socialisation, « qui ouvre au sens de la coexistence » ? La civilité, « qui matérialise la reconnaissance de la dignité de ses semblables » ? La moralité, « qui fonde l'exigence de réciprocité dans le sens de la responsabilité » ? Ou la citoyenneté, « qui s'efforce d'inscrire ces différentes valeurs dans l'organisation politique » ? Et ces objectifs doivent-ils être poursuivis globalement, ou au contraire être pris séparément ? Sur la plupart des problèmes actuellement débattus, les trois auteurs de ce plaidoyer pour une philosophie politique de l'éducation posent des questions souvent très pertinentes. De leur propre aveu, ils en posent d'ailleurs beaucoup plus qu'ils ne prétendent en résoudre. Mais est-ce le métier des philosophes que de résoudre les problèmes ?
Marc Olano