Pour vivre bien, vivons égaux !

Démonstration chiffrée à l’appui, deux spécialistes britanniques affirment que l’inégalité des revenus est le principal obstacle à la santé et au bonheur des habitants des pays développés.

Apparue en avril 2009, une rumeur venue d’Angleterre commence à traverser la Manche, et elle dit à peu près ceci : « Ce n’est pas la richesse qui fait le bonheur des sociétés, mais l’égalité des conditions. » La belle affaire, dira-t-on : l’égalité n’est-elle pas au menu de toutes les démocraties modernes ? Certes, mais cette fois, il ne s’agit pas de projet, mais d’un bilan patiemment compilé et mis en forme par deux épidémiologistes britanniques, dont le dernier ouvrage, The Spirit Level (sous-titré « Pourquoi l’égalité fait du bien à tout le monde », publié en 2009 et repris en poche en avril 2010), a fait un succès rare dans le genre. Resté plus de cent jours au top 100 d’Amazon, il est toujours en tête du rayon « Sciences sociales ».

Richard Wilkinson, son coauteur, n’en est pas à son coup d’essai : depuis trente ans, il compile chiffres et indices sur les données sociales de la santé. En 1996, il publiait un livre résumant de nombreuses études constatant que les pays où l’espérance de vie est la meilleure ne sont pas toujours les plus riches (1). Les Japonais et les Norvégiens vivent quelques années de plus que les Américains et les Anglais. Pourquoi ? D’après R. Wilkinson, parce que l’écart des revenus dans ces deux pays est inférieur à celui des deux autres. The Spirit Level part du même bilan, mais pour l’enrichir d’une foule d’arguments supplémentaires et passer du constat à la théorie. Kate Pickett et R. Wilkinson ont uni leurs efforts pour traiter les données agrégées d’une vingtaine de pays développés : niveau de richesse, dépenses de santé, écarts de revenus d’un côté, et données sociales de l’autre.