Pourquoi donne-t-on ?

Pur altruisme, gratification personnelle, influence d’un proche…, donner ses gamètes ou son sang est un acte généreux dont les déterminants sont nombreux.

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Chaque année, en France, 1,7 million d’hommes et de femmes donnent au moins une fois de leur sang, contribuant ainsi à sauver 500 000 personnes d’une mort probable. En 2017, 1 300 hommes et femmes ont fait don de leurs gamètes, spermatozoïdes ou ovocytes, autorisant à peu près autant de couples stériles à avoir un enfant. Enfin, en 2018, 561 personnes ont fait le sacrifice autrement plus lourd de céder un organe, en général un rein, à un de leurs proches en danger. Donner une partie de son propre corps est aujourd’hui possible, et même encouragé, grâce au développement tout au long du 20e siècle de techniques sophistiquées (transfusion, fécondation, implantation, greffe chirurgicale, etc.). Pour de multiples raisons, éthiques et sanitaires, les principes du volontariat et de la gratuité ont été retenus dans la majorité des pays du monde. La disponibilité des substances et des organes humains est donc largement dépendante du bon vouloir et de la générosité des hommes et des femmes disposés à faire ce don très particulier de leur personne.

Altruisme ou bénéfices secondaires ?

Mais pourquoi le font-ils ? La question intéresse au premier chef les organismes collecteurs, confrontés à l'augmentation constante de la demande et, dans certains cas, à la pénurie. Le don de sang, par exemple, a fait l’objet de plusieurs études. Une enquête réalisée en 2010 1 portant sur plusieurs centaines de personnes faisait état de l’embarras des donneurs à trouver une unique motivation à leur geste. Bien sûr, l’altruisme, la solidarité citoyenne, le sens du devoir, religieux pour certains, ou le sens de la justice venaient toujours en tête. Mais d’autres considérations suivaient aussi, telles qu’une certaine fierté, un gain en estime de soi, l’exemple d’un proche ayant été transfusé, ou encore la perspective de profiter un jour du même service. Certains donneurs réguliers arguaient d’un petit bénéfice secondaire : celui de profiter d’un bilan sanguin périodique. Certains étudiants, donneurs pour la première fois, y voyaient une confirmation de leur accès au statut d’adulte.

Ces multiples raisons pouvaient être classées, selon les auteurs, en trois catégories cumulables : le don est pensé comme s’adressant à tous, ou en pensant à ses proches, ou encore en pensant à soi-même. Malgré la gratuité du geste et l’anonymat des destinataires, les donneurs concevaient donc des bénéfices secondaires à leur don, pour leurs proches, voire pour eux-mêmes. Un économiste pourrait nommer cela « anticipation rationnelle », mais pour un anthropologue, on retrouve là un aspect du « don archaïque » tel que théorisé par Marcel Mauss : le don ne se conçoit pas sans contrepartie.