Une rumeur venue d’Angleterre vient de traverser la Manche, et elle dit à peu près ceci : « Ce n’est pas la richesse qui fait le bonheur des sociétés, mais l’égalité des conditions. » La belle affaire, dira-t-on : l’égalité n’est-elle pas au menu de toutes les démocraties modernes ? Certes, mais cette fois, il ne s’agit pas d'un vague idéal, mais d’un bilan patiemment compilé et mis en forme par deux épidémiologistes britanniques et intitulé Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous. Publié en 2009 en anglais (The Spirit Level), ce livre est désormais traduit et publié par l'éditeur Les Petits matins. Resté plus de cent jours au top 100 d’Amazon, l'original de langue anglaise a été vendu à plus de 140 000 exemplaires et traduit dans plus de 15 langues.
Richard Wilkinson, son coauteur, n’en est pas à son coup d’essai : depuis trente ans, il compile chiffres et indices sur les données sociales et la santé dans le monde. En 1996, il publiait un livre résumant de nombreuses études constatant que les pays où l’espérance de vie est la meilleure ne sont pas toujours les plus riches 1. Les Japonais et les Norvégiens vivent quelques années de plus que les Américains et les Anglais. Pourquoi ? D’après R. Wilkinson, parce que l’écart des revenus dans ces deux pays est inférieur à celui des deux autres. Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous part du même constat, mais pour l’enrichir d’une montagne d’arguments supplémentaires et passer du constat à la théorie. Kate Pickett et R. Wilkinson ont uni leurs efforts pour traiter les données agrégées d’une vingtaine de pays développés : niveau de richesse, dépenses de santé, écarts de revenus d’un côté, et indicateurs de bien-être de l’autre.