Pourquoi la philosophie antique nous parle encore

Loin de se limiter à un corpus de théories, parfois dépassées, les Anciens ont soulevé des questions fondamentales, notamment sur le meilleur mode de vie à suivre.

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Comparée aux sociétés actuelles, l’Antiquité grecque était un environnement violent, injuste, intolérant, inégalitaire, superstitieux… Figure canonique de la philosophie, Socrate a par exemple été accusé de « corrompre la jeunesse » puis condamné à boire un poison, la ciguë, simplement pour avoir débattu sur la place publique, remettant en question les dogmes et croyances de ses contemporains. Durant toute l’Antiquité, les premiers philosophes ont dû composer avec une liberté d’expression toute relative, et plus généralement des valeurs morales et politiques éloignées de celles d’aujourd’hui. Cela se ressent dans leurs écrits. S’ils ont ici ou là de bonnes intuitions, parfois un temps d’avance sur leurs contemporains, certaines de leurs idées paraissent dépassées voire scandaleuses à l’aune de nos critères moraux contemporains (encadré ci-dessous). Sur un plan théorique, ce n’est pas toujours brillant non plus. Science, religion et mythologie s’entremêlent pour interpréter les phénomènes – physiques, biologiques… –, au point que ces théories seraient difficilement qualifiées de « scientifiques » aujourd’hui. De même, l’étude de l’économie, de l’histoire ou encore de la société reste embryonnaire, abondamment nourrie de préjugés et de croyances non vérifiées. Quel est donc l’intérêt de se plonger dans la philosophie antique aujourd’hui, si ce n’est par coquetterie intellectuelle ? Pourquoi conserve-t-elle tant de crédit aux yeux des universitaires et scientifiques, comme auprès d’un grand public avide de sagesse ?

Éternels problèmes

Une première explication revient à distinguer les réponses et les questions. Même lorsque les premières paraissent poussiéreuses, les secondes semblent impérissables : qu’est-ce que le monde ? Quelle est la vraie nature des choses, au-delà de la première impression que nous en avons ? Les mots, que nous utilisons pour les décrire, reflètent-ils bien la réalité ? Comment distinguer le vrai du faux, le réel de l’illusoire ? Comme l’expose Aristote dans la Métaphysique, la philosophie antique est d’abord une remise en question des évidences, un art de s’étonner devant ce qui n’étonnait plus personne. Des sages comme Pythagore, Thalès et Démocrite doutaient ainsi de leurs observations et croyances ; ils proposaient même de faire primer des raisonnements plus abstraits sur celles-ci : certaines choses ne se voient pas mais doivent logiquement exister, comme le vide, l’infini ou encore les atomes. Cette façon de penser a mécaniquement donné un statut particulier au langage, seul à même de saisir ces réalités invisibles. En même temps, comme les mots sont aussi une source d’illusions et de chimères, il a été nécessaire d’imaginer des règles du discours vrai : ne pas se contredire, admettre les conséquences et les présupposés de ce qu’on pense… La naissance de la philosophie a ainsi encouragé un essor de la logique, mais aussi des mathématiques et de la géométrie.