Pourquoi la pilule pour homme n'existe pas

L'absence d'innovation en matière de contraception masculine n'est sans doute pas entièrement liée à des raisons techniques, mais plutôt à l'impossibilité de construire une image convaincante de son usager potentiel.

« Depuis la Seconde Guerre mondiale, treize nouveaux contraceptifs féminins ont été mis au point, alors que les contraceptifs masculins sont à peu près inchangés depuis quatre cents ans », s'étonne Nelly Oudshoorn, sociologue à l'université de Twente (Pays-Bas), en ouverture d'un intéressant article consacré à la recherche du pourquoi de cette situation. Comment justifier en effet que, sur les 566 millions d'usagers de moyens contraceptifs recensés dans le monde en 1998, 428 millions, soit plus de 75 %, étaient des femmes. La première réponse est technique : aucun moyen aussi efficace que la pilule ou le stérilet n'a été mis au point pour les hommes. Mais elle est un peu courte : le peu d'efforts consentis par l'industrie pharmaceutique à ce genre de recherches est évident. Or, les priorités de l'industrie sont guidées, en bonne partie, par les évaluations de marché et donc par l'analyse de la demande sociale sur un produit, laquelle est en partie fabriquée par l'opinion.

Que s'est-il passé à propos de la contraception masculine ? Apparemment, elle n'a jamais fait l'objet de la part de ses usagers potentiels (les hommes) d'une demande aussi pressante que celle qui a motivé, dans les années 60, la mise au point de la pilule. Les contraceptifs étaient, à cette époque, perçus comme des outils fondamentaux de la libération des femmes et des moeurs.

La contraception masculine, elle, n'a pas été porteuse d'un tel idéal : dans les années 70, deux grands pays peu solvables, l'Inde et la Chine, ont tenté d'en faire la promotion systématique, mais leurs objectifs étaient assez strictement démographiques et incarnaient difficilement les idéaux libéraux. La demande de contraception masculine en Occident a donc émané presque exclusivement de mouvements féministes, de certains chercheurs et de responsables d'organismes de planning familial. La présentation que donne N. Oudshoorn de leurs déclarations comporte peu d'aspects techniques : les arguments sont essentiellement d'ordre moral.