Pourquoi nous trouvons un sens aux coïncidences Entretien avec Nicolas Gauvrit

Rencontrer quelqu’un qui a la même date d’anniversaire que nous, faire 
un rêve prémonitoire... Certaines coïncidences semblent porteuses d’un sens caché, ou révélatrices de lois mystérieuses. Hélas, une approche statistique désenchante ces prodiges...

Dans votre ouvrage, Certaines coïncidences paraissent si stupéfiantes qu’on refuse de les imputer au hasard, et qu’on leur cherche une signification. Mais selon vous, il s’agit d’un manque de perception du contexte…

Nous avons une vision locale, à la fois dans le temps et dans l’espace. Avec un regard global, les coïncidences ne sont pas si étonnantes. Et puis surtout, on ne se pose pas d’emblée les bonnes questions. Prenons le paradoxe des anniversaires : parmi 25 personnes, quelle est la probabilité pour que deux aient la même date d’anniversaire ? Pour y répondre, on est tenté d’utiliser une heuristique, un raisonnement simplifié, pour se demander quelle est la probabilité pour que, parmi 25 personnes, une autre ait la même date d’anniversaire que nous.

Le résultat est assez faible, puisqu’on réduit le problème à une seule date possible, notre date de naissance. La probabilité pour qu’une personne parmi 24 ait la même date de naissance que moi n’est que de 6,3 %. En revanche, il y a une chance sur deux pour que deux anniversaires coïncident parmi 25 personnes. Mais ce n’est pas du tout la même question.

Vous citez aussi l’exemple d’une femme, Violet Jessop, qui a survécu à 3 naufrages, dont celui du Titanic. Cela paraît extraordinaire, et en fin de compte pas du tout.

Le problème vient du fait qu’on manque d’informations, et qu’on remplit les trous avec des éléments par défaut qui paraissent probables et sous-entendus. Quand on apprend sans autre précision qu’une personne a survécu au naufrage du Titanic et à deux autres naufrages, on imagine que ceux-ci sont comparables à celui du Titanic, ce qui n’est pas du tout le cas, puisque l’un d’eux a fait peu de victimes, et l’autre pas du tout. De plus, on pense que Violet Jessop n’a rien de particulier. Alors qu’elle travaillait pour la compagnie de ces trois navires.

Vous dites aussi qu’en décryptant les événements du 11  septembre, on peut trouver beaucoup de 11, d’où la tentation d’y voir un complot ou un signe du destin. Mais, pour vous, il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans…

C’est valable pour toute la numérologie et les nombres fétiches. On trouve aussi des centaines de 19 dans le Coran, de 7 dans la Bible, ou en tout cas leurs multiples, ce qui n’est guère étonnant statistiquement.