Prévention : vers l'ère du management de soi

Nous sommes de plus en plus nombreux à utiliser les nouvelles technologies pour obtenir des informations liées à notre santé et adopter des habitudes saines. Ultime soumission du corps à une logique de rendement, ou réappropriation de sa propre santé ?

Notre santé est en grande partie sous notre contrôle potentiel. Même si nous devons composer avec un patrimoine génétique de base, nous pouvons agir au quotidien sur nos habitudes de vie et nos comportements, voire sur notre environnement, pour maintenir un bon état de santé et éviter maladies ou complications. Les recommandations sont connues et font l’objet d’un consensus chez les experts : manger sainement, pratiquer une activité physique régulière, ne pas fumer, boire de l’alcool avec modération ou ne pas en boire, maintenir du lien social, gérer son stress, se rendre à un contrôle de santé régulier auprès d’un professionnel… Dont acte.

Mais qui remplit tous les critères listés ? Personne, certainement. Alors sommes-nous tous suicidaires ou masochistes ? Non plus, évidemment. Nous procédons en fait à une gestion continue des risques, impliquant des processus décisionnels complexes. C’est ici qu’interviennent les actions de prévention, avec l’aide à la prise de décision et à la mise en place de comportements favorables à sa santé. Ces actions visent en effet à donner aux personnes les connaissances et compétences suffisantes pour pondérer les différents risques, procéder à un arbitrage et agir. Encore faut-il être capable d’en anticiper les conséquences à long terme. C’est toute la difficulté de la prévention qui, par définition, consiste à combattre un mal qui n’existe pas encore. Prenez le comportement tabagique : ne pas fumer engendre une récompense abstraite et future (ne pas avoir de maladies respiratoires), tandis que fumer offre une récompense immédiate et concrète (plaisir, lâcher-prise…).

Les objets connectés en première ligne

Selon l’un des modèles théoriques les plus répandus (le Health Belief Model), la personne agit préventivement si elle dispose d’un minimum d’éléments pour comprendre ce qui lui arrive, et si la santé occupe une place importante dans sa vie. On peut ainsi prédire le comportement d’une personne en fonction de quatre types de perceptions ou de croyances qu’elle possède : la vulnérabilité perçue (« je cours un risque important de devenir obèse »), la gravité perçue (« l’obésité est une maladie grave »), les bénéfices perçus (« perdre du poids me permettra de me sentir mieux dans mon corps »), les coûts et obstacles perçus (« suivre un régime va me rendre nerveux »). Il faut ajouter à cela le sentiment d’auto-efficacité, c’est-à-dire la croyance de la personne en sa capacité à agir (mener un régime, dans ce cas-ci) 1. Jusqu’à présent, les psychologues se sont beaucoup intéressés à la manière de présenter le message de prévention pour qu’il incite à un changement de comportement. Les études montrent ainsi qu’il vaut mieux présenter les conséquences négatives d’un comportement (« l’obésité augmente le risque d’accident cardiovasculaire ») lorsque la personne considère déjà ses conduites comme risquées, augmentant ainsi sa probabilité d’action. Tandis que présenter des conséquences positives (« retrouver un poids moyen augmente la forme physique ») est plus efficace auprès d’une personne qui considère ses conduites comme peu risquées, et donc peu promptes à répondre à une menace qu’elle ne perçoit pas 2. Les psychologues de la santé cherchent désormais à savoir comment maintenir au quotidien les comportements sains.