Téméraire est le psychologue qui quitte le confort de son bureau douillet pour aller se frotter au cœur de l’intimité de son patient, à son domicile. Les rôles sont inversés : ce n’est plus le praticien qui accueille son patient, mais le patient qui accueille son praticien. Exit l’aise du bureau en acajou et du fauteuil de premier ministre en cuir noir. Au domicile, les entretiens peuvent s’organiser sur un coin de table, au beau milieu des photos de famille, des posters de Johnny Hallyday et des têtes de biches empaillées. Exit aussi la sérénité et la confidentialité d’une pièce fermée. Au domicile peuvent surgir en plein entretien, un époux curieux, un petit frère bavard, un labrador joueur. Il est évident que l’exercice de la psychologie à domicile est, en soi, une aventure professionnelle singulière qui fait vaciller une poignée de repères spatiaux, humains et temporels chez le praticien. Pour autant, c’est aussi expérimenter une clinique bouillonnante, littéralement au chevet du patient. Adaptabilité, flexibilité et ouverture d’esprit sont de rigueur.
Se lancer à domicile : quelles motivations ?
Pour l’écriture de cet article, trois psychologues officiant à domicile nous ont ouvert les portes de leur intimité… professionnelle. Laure Rubinocci, psychologue clinicienne libérale spécialisée dans la prise en charge de la douleur effectue du suivi psychologique depuis 3 ans dans un périmètre de 20 km autour de Montpellier. « Mon projet d’intervention à domicile est né d’un constat, celui du manque d’accessibilité du psychologue. Entre les déserts médicaux, les délais d’attente démesurés dans les structures hospitalières et le manque de mobilité de certains patients, la démarche de consulter un psychologue peut être entravée. » Julie Angelini, psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie, est intervenue au domicile pendant une année dans la région du Hainaut, en Belgique. Elle y effectuait des évaluations intellectuelles d’enfants dans le cadre du remboursement mutuel des séances de logopédie. « Ce projet est né de ma difficulté à assumer les frais liés à l’activité indépendante. À Bruxelles, on me demandait de régler 300 euros par mois pour un jour hebdomadaire de location d’un bureau de consultation au sein d’une structure pluridisciplinaire. Finalement, j’ai trouvé du sens à cette pratique à domicile et j’ai souhaité développer un nouveau service pour la patientèle ».
Marie Ehninger officie, quant à elle, en tant que psychologue clinicienne à la MDPH de la Gironde. Elle intervient depuis 2006 dans le cadre du suivi psychologique aussi bien des personnes porteuses d’un handicap psychique que des aidants familiaux. « Le choix d’intervenir à domicile fut commun à l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH. Dans le sens où la psychiatrie ferme ses lits et que les patients souffrant d’un handicap psychique se retrouvent à domicile, on se devait de les y accompagner ». À l’inverse de certains de ses collègues, Marie Ehninger était plutôt sereine : « Je n’appréhendais pas d’intervenir au domicile du patient dans le sens où je suis issue de la gérontologie, un domaine d’exercice qui nous familiarise à l’espace intime ».