Psychologues hospitaliers : un travail en équilibre

Si la fonction hospitalière met en partie le psychologue à l’abri des aléas 
du libéral, elle n’est pas pour autant un long fleuve tranquille. Elle impose 
de trouver et parfois de défendre rudement sa place dans un milieu médical 
pas toujours accueillant…

Malgré des besoins grandissants en psychologues hospitaliers, dus notamment au développement des services de gérontologie ou de soins palliatifs, la crise n’autorise pas, pour l’heure, un réel développement de cette fonction. Les psychologues hospitaliers se trouvent encore en minorité dans une institution qui, pour sa survie financière, centre ses dépenses en ressources humaines sur « l’essentiel » : les médecins et les infirmiers. Il est impossible de connaître le nombre exact de postes existants, beaucoup de psychologues hospitaliers exerçant à temps partiel et la direction des hôpitaux les comptabilisant en Équivalent Temps Plein (ETP). Selon ce comptage d’une fiabilité relative, les services psychiatriques totaliseraient plus de 3 150 postes, les autres services, tout cumulé, variant de 600 à 700 postes.

Le quotidien d’un psychologue hospitalier, quant à lui, ne saurait être schématisé en quelques lignes. On pourrait d’ailleurs dire, sans mentir, qu’il y a autant de scenarii possibles que de psychologues hospitaliers. Les trois-quarts d’entre eux travaillent en hôpitaux psychiatriques, où leur rôle semble incontestable et clair puisqu’entre psychiatrie et psychologie, la frontière peut a priori paraître mince, nécessitant que psychiatres et psychologues travaillent tout naturellement main dans la main.

Or, les choses ne sont pas si simples. En psychiatrie comme ailleurs, la tentation du tout médical l’emporte désormais, et le psychologue, qui n’est pas médecin de formation, peut avoir de la difficulté à démontrer en quoi le « simple » pouvoir de la parole, non scientifique, pourrait faire des miracles. Il fut une époque où la psychiatrie était encore largement ouverte à la psychanalyse et à la psychologie, permettant un champ commun de pensée aux psychiatres et psychologues. Cette époque est révolue. Christine Schwanse, présidente de l’association Psyclihos (voir encadré p. 70), le confirme : « Peu à peu, la psychanalyse a perdu du terrain. La psychiatrie s’est orientée vers les neurosciences, le comportementalisme, le cognitivisme qui conviennent mieux à l’esprit " tout médical " du moment, parce que c’est plus contrôlable, plus scientifique, qu’il y a des tests pour mesurer des résultats. Aujourd’hui, beaucoup de conflits naissent parce que, bien souvent, psychiatres et psychologues n’ont plus la même vision de l’approche du patient. »

Ajoutons à cela le passage progressif du concept de psychiatrie à celui de santé mentale et l’omnipotence du médecin à l’hôpital, et vous obtenez un cocktail détonant, parfois dur à avaler pour le psychologue. S’il ne dépend hiérarchiquement que de la direction de l’hôpital, il dépend, dans les faits, du bon vouloir du médecin chef de service.

publicité

Il va donc, selon le degré d’estime de la psychologie éprouvée par ce dernier, soit travailler dans un climat de confiance avec le(s) psychiatre(s), prenant bien souvent en charge les psychothérapies et ce, en bénéficiant d’une grande autonomie, soit être limité à des tâches techniques d’évaluation et d’orientation. Entre ces deux positions, le spectre est infini. Cependant, dans le cas où le psychologue exerce dans un service de psychiatrie où il n’a pas à démontrer l’importance de son rôle – à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, ils sont ainsi plus de 130 psychologues intégrés et respectés dans leur spécificité –, cette évolution de la psychiatrie vers la santé mentale joue en sa faveur, lui donnant à lui seul la fonction déterminante de recevoir la parole du pa­tient et de soutenir pleinement la mince articulation entre psychiatrie et psychanalyse.