Psychothérapies : le bouillon de culture Entretien avec Pierre Canouï

Quelles sont les grandes tendances des psychothérapies en France et dans le monde ? Quelles sont les nouveautés, les grandes réflexions, les lacunes ? Un colloque international ambitionne de dresser un état des lieux.

Du 24 au 28 juillet 2017, à la maison de l’UNESCO à Paris, se tiendra le 8e Congrès mondial de psychothérapie, dont le Cercle Psy est partenaire. L’occasion de s’interroger sur les enjeux de la psychothérapie à travers le monde.

Quelles lacunes identifiez-vous en matière de psychothérapies sur le plan international ?

Je dirais que trois points mériteraient d’être approfondis. Premier point : nous constatons que la recherche en psychothérapie demeure encore un domaine en friche, malgré son potentiel et son utilité pour le terrain. Celle-ci mériterait qu’on lui accorde plus de moyens. Il nous importe de montrer au clinicien que la recherche en psychothérapie peut lui être directement bénéfique dans le cadre de sa pratique. Je regrette par ailleurs qu’il y ait aussi peu de recherches sur l’épistémologie des méthodes, pour mieux identifier sur quoi reposent les différentes approches.

Deuxième point : il est clair qu’en psychiatrie, la psychothérapie n’occupe pas la place qu’elle devrait ! La recherche scientifique a largement prouvé l’efficacité de la psychothérapie, quel que soit le courant théorique. Lorsque l’on compare l’effet d’un traitement médicamenteux sans psychothérapie avec celui d’un traitement médicamenteux avec psychothérapie, on observe toujours un avantage quand une prise en charge psychothérapique est associée.

Troisième point : la psychopathologie est encore le parent pauvre de la psychothérapie et encore plus de la psychiatrie. Notre conception réduite de la psychopathologie induit une prédominance du traitement médicamenteux au détriment de la psychothérapie. En France, les conceptions freudiennes et lacaniennes nous ont anesthésiés dans notre compréhension des maladies mentales. Résultat : pour des raisons théoriques (ou commerciales), l’approche médicamenteuse est souvent privilégiée. Dans le champ de la psychothérapie, les deux approches les plus connues sont la psychanalyse et les thérapies cognitives et comportementales. Chacune d’elles propose sa propre conception de la psychopathologie. Or, il n’y a pas une psychopathologie mais des psychopathologies. Le psychisme humain est bien plus complexe que toutes nos conceptions théoriques. Il a d’ailleurs été constaté qu’aucune méthode n’était supérieure à l’autre et que l’efficacité d’une psychothérapie reposait non pas sur la méthode du praticien, mais sur la qualité de la relation entre le patient et le thérapeute. Ce congrès nous permettra de réfléchir sur l’émergence future de nouveaux paradigmes de la maladie mentale, et de mettre la psychopathologie au centre de la compréhension du psychisme humain.

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Quels sont les grands débats actuels ?

Trois grands enjeux seront au cœur des échanges. Tout d’abord, nous souhaiterions démocratiser la psychothérapie. Ce congrès nous donnera l’occasion de faire le point sur l’augmentation des détresses psychologiques et sociales d’un nouveau genre : celles des troubles de l’adaptation de l’homme à son environnement (famille, travail et société). Le burn-out en est la plus connue des manifestations. Un tiers de la population européenne serait en détresse psychologique. Ces souffrances psychosociales ne relèvent pas de la psychiatrie, mais elles nécessitent des approches psychothérapeutiques. Ainsi, la psychothérapie est en train de quitter le milieu médical pour rejoindre le milieu social. Nous pensons, sur le plan de politique de santé mentale, que la psychothérapie devrait être à la portée de tous, démocratisée, et non réservée à une petite élite suffisamment argentée pour accéder à ce type de soins. C’est le projet d’un de nos intervenants brésiliens, Adalberto Barreto, professeur, docteur en psychiatrie et en anthropologie, ethnologue, psychologue et psychothérapeute, qui organise des psychothérapies de groupe dans les favelas, ces bidonvilles brésiliens. Ce praticien permet de démocratiser la psychothérapie au service des moins fortunés, en utilisant les ressources du groupe lui-même. C’est le projet des Psy du Cœur et d’autres associations que nous soutenons.