Enfant martyr, échappé d’une maison de correction, puis braqueur et gigolo, le jeune Tim Guénard voit sa vie bifurquer grâce à un clochard qui lui fait découvrir la littérature, et à une juge qui lui permet d’avoir un métier. Aujourd’hui marié et père de quatre enfants, il accueille des personnes en difficulté et a rédigé plusieurs livres (1). Alors que toute sa famille a péri en déportation, Boris Cyrulnik est devenu quant à lui un célèbre neuropsychiatre, éthologue, psychanalyste et écrivain. Le succès de ses ouvrages a permis de populariser la notion de résilience, qu’il appelle « l’art de naviguer dans les torrents ». Il y raconte la trajectoire surprenante de tous ceux, survivants de l’Holocauste, enfants des rues, enfants battus… qui ont contre toute attente réussi leur vie professionnelle et surtout personnelle. Il insiste sur l’influence salvatrice des « tuteurs de résilience », en l’occurrence ces professeurs, éducateurs, bénévoles associatifs ou tout simplement amis, présents en cas de coup dur pour apporter leur soutien solide et inconditionnel ou provoquer un déclic, comme les rencontres capitales faites par T. Guénard.
La résilience est souvent décrite comme un processus s’accomplissant en deux temps. D’abord parer au plus pressé en se défendant efficacement contre la source de stress (ce que la psychologie cognitive nomme le coping). Ensuite, dans une perspective à long terme, assumer les faits, leur donner un sens et les intégrer dans son histoire personnelle, passer du « pourquoi » au « pour quoi », pour citer Jacques Lecomte (2). C’est cette deuxième étape, de reconstruction, qui est plus spécifiquement taxée de résilience. Celle-ci ne consiste donc pas à « se blinder », ni à nier l’importance des événements, mais à surmonter activement les épreuves.
Si je fais preuve de résilience, je ne suis pas invulnérable ni évitant, mais je rétablis mon équilibre après avoir vacillé, là où d’autres se seraient effondrés. Éventuellement, je sors renforcé de mes épreuves : j’en tire un enseignement, je me sens plus mûr, et je ne tombe pas deux fois dans le même piège. Je peux même considérer, pour reprendre la fameuse formule de B. Cyrulnik, que j’ai vécu « un merveilleux malheur (3) »
Marc Olano