Les emplois intérimaires représentent jusqu'à 15 % des effectifs des usines Renault, Peugeot et Citröen et jusqu'à la moitié de ceux de leurs principaux fournisseurs. Soit des proportions nettement supérieures à celles des autres constructeurs européens. C'est ce que révèle le Centre d'études de l'emploi dans une analyse récente. Pour ses auteurs, ces chiffres traduisent l'émergence d'un espace productif spécifiquement français impliquant toute la filière automobile. A l'origine, le recours à l'intérim était d'abord destiné à faire face aux fluctuations saisonnières du marché automobile et aux surcharges de travail entraînées par les sorties de nouveaux véhicules. Depuis, il constitue pour l'industrie automobile française l'élément moteur dans la mise en place d'une organisation flexible du travail. Quel que soit le contexte du marché, les constructeurs nationaux et leurs fournisseurs entretiennent désormais un volant de « permanents » intérimaires qui peut dépasser 10 % des effectifs. Certains intérimaires comptent jusqu'à deux ans d'ancienneté, alors qu'en principe leur contrat ne doit pas excéder 18 mois. Explication : dans la pratique, il suffit à l'employeur de modifier le motif et le poste de travail de l'intérim pour le prolonger.
Pour les entreprises, les coûts élevés de transaction généralement associés au recrutement d'emplois intérimaires s'en trouvent réduits. D'abord, parce qu'en rappelant les mêmes intérimaires, l'entreprise réduit l'incertitude quant aux compétences des nouvelles recrues. Ensuite, parce que le recours massif à l'intérim place les entreprises en position de force vis-à-vis des entreprises de travail temporaires. D'autant qu'aux recrutements locaux s'est substituée une négociation centralisée. Résultat : le coût total d'un intérimaire peut devenir inférieur à celui d'un Contrat à durée déterminée (CDD).
Last but not least, l'intérim entraîne « une mise en concurrence » avec les ouvriers permanents non qualifiés. « Rémunérés le plus souvent au SMIC, quels que soient leur diplôme et leur expérience, jamais malades, non syndiqués, les intérimaires en production peuvent être utilisés pour stabiliser les salaires, voire les réduire »...
Références
Armelle Gorgeu et René Mathieu, « Filière automobile : intérim et flexibilité », « 4 pages » (Centre d'études de l'emploi), n° 26, mars 1998.