Quand les antidépresseurs sèment le trouble

Les médicaments prescrits pour soigner la dépression sont-ils efficaces et surtout, sont-ils dangereux ? C’est un débat récurrent. Mais il semble que la vraie question soit : quand faut-il vraiment prescrire ?

16898417100_TWI.webp

La dernière recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS) à destination des médecins généralistes 1 pointe du doigt le fait qu’environ 40 % des personnes souffrant de dépression en France ne recourent pas aux soins. À l’inverse, certaines déprimes passagères ou troubles psychiques graves passent pour des dépressions et sont traités de façon inadéquate. Ce rapport souligne aussi, dans un contexte de prescription frénétique, le manque d’accompagnement du patient traité par antidépresseurs : « Le recours aux antidépresseurs doit être limité à certains cas, suivi et associé à une psychothérapie ». En cause, a priori, moins les molécules elles-mêmes que leur mauvais usage. Pourtant, certains spécialistes sonnent l’alarme. C’est le cas de Christophe Marx, psychothérapeute, formateur et chargé d’enseignement clinique à la faculté de Nîmes-Montpellier, qui alerte sur les dangers des antidépresseurs de façon globale, déplorant que les pouvoirs publics « se bornent pour l’instant à recommander des bonnes pratiques de prescription d’antidépresseurs sans en remettre en cause l’essence même. »

Ses convictions semblent confirmées par les résultats d’une expérience menée en 2014 par un groupe de scientifiques allemands 2. Ils avaient administré à 22 volontaires en bonne santé une dose d’un antidépresseur courant de la famille des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, ISRS pour les intimes, antidépresseurs qui pallient le déficit en sérotonine dont souffrent les personnes dépressives. Le Prozac, très décrié à son heure de gloire, fait partie de cette famille. Ces chercheurs avaient ensuite fait passer un scanner aux participants et constaté qu’une dose unique réduisait le niveau global des connexions dans le réseau cérébral, sauf dans le cervelet et le thalamus où cette connectivité avait augmenté. Ils en ont conclu à une grande nécessité de prudence face à une molécule capable de « modifier l’architecture du cerveau », même si l’étude ne précisait pas de quel danger exact les patients traités seraient menacés.