En quoi l'apparition de collectifs de citoyens pour venir en aide aux migrants vous semble un phénomène d’engagement nouveau ?
Un élan citoyen est en train de s'imposer face à l'inaction de l'État. Des centaines d’individus, qui n’ont pas d’habitude militante, se mobilisent pour venir spontanément en aide aux réfugiés, et forment des collectifs informels. À Paris par exemple, on a vu apparaître un « collectif des réfugiés de la porte de Saint-Ouen », et un autre qui soutient « les migrants de La Chapelle », appelés ainsi parce qu'ils ont campé des mois sous le métro aérien de cette station du métro, avant d'être évacués par la police début juin. Ces collectifs s'inventent avec l’aide des réseaux sociaux comme Facebook, outil qui permet de diffuser rapidement l’information en provenance du terrain et de mobiliser largement sans passer par les responsables d’associations ou les partis politiques traditionnels. Par ailleurs, l'usage du téléphone portable et l’échange de textos entre les migrants et ceux qui les soutiennent est une arme efficace et inédite dans la construction de leurs luttes.
Qui sont ces citoyens ?
Ce sont souvent, au départ, des voisins du quartier qui se sont mobilisés, pour aider les migrants qu'ils croisaient au quotidien : leur dénuement et leur détresse, ainsi que les interventions policières souvent musclées, leur apparaissaient insupportables et ont été un déclencheur de solidarité. Puis ces mouvements ont pris de l'ampleur. Par exemple, grâce à un petit collectif, quelques 750 migrants afghans, soudanais ou érythréens et leurs soutiens, issus du collectif de La Chapelle, occupent depuis fin juillet le lycée désaffecté Jean-Quarré, dans le 19ème arrondissement de Paris 1. Les membres du collectif, grâce aux dons des Parisiens, leur assurent un toit et des repas quotidiens, mais aussi des cours de Français, un suivi juridique pour leur demande d’asile, des soins médicaux ou des vêtements, et cela sans aucune aide matérielle de l'État. Ce type d'initiatives spontanées s'est toutefois heurté à ceux qui se présentent comme « spécialistes » des migrants : pour reprendre l'exemple du collectif de La Chapelle, quand les migrants se sont mis en grève de la faim pour protester contre leurs conditions d’hébergement, plusieurs associations caritatives ont porté plainte contre des membres du collectif, qui soutenait les grévistes.