Quand les sociologues américains s'engagent

Une sociologie citoyenne pour un monde meilleur. L'idéalisme presque naïf d'une telle assertion résume la position défendue par l'American Sociological Association (ASA) lors de son 99e Congrès qui s'est tenu à San Francisco en août 2004. Organisé autour de l'ouverture de la sociologie à la société civile, ce rassemblement invitait les sociologues à partager leurs analyses et leurs conceptualisations avec un large public. A cette occasion, le président de l'association, Michael Burawoy, a souligné que le défi majeur auquel est confrontée une sociologie citoyenne consiste à défendre l'idée du bien commun de plus en plus menacé par le processus de privatisation, les intérêts des multinationales, le commerce débridé et les Etats policiers. Si ce congrès annuel a pu parfois prendre une tournure politique, c'est sans doute que le continent nord-américain est aux prises avec de multiples mouvements contestant les inégalités et, plus largement, l'hégémonie de l'idéologie néolibérale. La sociologie engagée, en étroite interdépendance avec l'enseignement et la recherche sur lesquels son discours peut être fondé, aurait pour mission d'informer les citoyens aussi bien des inégalités entre les groupes sociaux, les ethnies et les sexes que des implications des technologies ou des problèmes posés par la dégradation de l'environnement. L'auditoire potentiel de cette sociologie est vaste : publics des médias, étudiants, organismes non gouvernementaux, représentants de la classe politique. Certaines communautés forment également des publics privilégiés, telle la population carcérale, objet de maintes études dans un pays où la criminologie est devenue une discipline à part entière.