Aux côtés du Petit Nicolas créé par Sempé et Goscinny, il y a Agnan, l'intello chouchou des professeurs, sans cesse maltraité par la bande de copains. Agnan deviendra-t-il un employé de bureau subordonné et brimé par ses collègues ? Un psychologue anglais, Peter K. Smith, s'est demandé si les rôles de victime et d'agresseur se maintiennent de l'enfance à l'âge adulte. Il n'est de secret pour personne que les milieux professionnels ont leur lot de boucs émissaires. Avec l'âge, les agressions physiques se transforment en violences verbales et les attaques sont plus subtiles, déguisées ou indirectes. Les quolibets et les mauvais traitements des cours d'école font ainsi place à la rumeur et à l'exclusion sociale... Dans les deux cas, il s'agit d'actes de persécution caractérisés par « un abus de pouvoir, ou la répétition d'actions intimidantes ou blessantes à l'encontre d'une même personne ».
P. K. Smith et son équipe ont interrogé 5 800 personnes sur la qualité de leurs relations au travail ; les intimidations subies ; leurs souvenirs d'enfance (étaient-ils victimes, agresseurs, ni l'un ni l'autre, les deux ?) et leurs stratégies de défense. L'étude révèle que les enfants souffre-douleur ont plus de risques de l'être dans la vie professionnelle. Cette constance s'expliquerait en partie par les traits de caractère : l'estime et l'affirmation de soi, l'habileté à nouer des relations sûres aideraient à mettre en place des stratégies de défense efficaces. Les chercheurs expliquent en effet qu'il est plus utile de solliciter l'aide d'un ami, feindre l'ignorance ou prendre de la distance, que riposter, pleurer, se montrer désemparé ou rire de la situation. Ces deux dernières réactions seraient même de mauvais pronostics pour la qualité des relations ultérieures... Pour autant, le sort de ces enfants victimes n'a rien d'inéluctable. Avec le temps et sous l'influence de l'environnement (relations sociales, conditions de travail), la majorité d'entre eux finit par ne plus se laisser marcher sur les pieds.
Références
P. K. Smith et al. , « Victimization in the school and the workplace », British Journal of Psychology , vol. LCIV, mai 2003.