Ce sont les rayons X du fonctionnement psychique, l’IRM de la psyché. Grâce à eux, le psychologue disposerait en quelques heures des moyens d’ouvrir le capot de nos processus de pensée, voire de notre inconscient. Mais que voit-on vraiment dans les tests projectifs (puisque c’est d’eux qu’il s’agit), comment fonctionnent-ils, et dans quelles circonstances y a-t-on recours ?
« J’étais perdue, se souvient la mère d’Anna pour expliquer comment elle en est arrivée à demander de faire « tester » sa fille. Anna avait déjà été vue par plusieurs psys, j’ai eu besoin de faire le point et qu’on me dise ce qui se passait. » C’est en général parce que « quelque chose » résiste à la compréhension, qu’il subsiste un doute que des entretiens cliniques avec un psy n’ont pas permis de lever, que la demande de bilan s’exprime. La plupart des demandes émanent de parents qui s’inquiètent pour leur enfant. Certaines sont suscitées ou encouragées par l’école pour des enfants rencontrant des difficultés d’apprentissage, d’attention, ou s’il y a suspicion de précocité intellectuelle.
« L’inflation actuelle de demandes de bilan, explique Aline Cohen de Lara, professeure de psychologie à l’université Paris 13 et psychanalyste, concerne surtout les tests d’intelligence, et notamment la recherche du QI. Mais ce qui est intéressant avec les tests projectifs, c’est qu’on comprend comment on se sert de son intelligence. On peut par exemple comprendre comment des enfants très intelligents, entravés par l’expression des affects, ont du mal à exploiter leur potentiel. »
Tests d’intelligence et épreuves projectives
Un bilan psychologique en bonne et due forme (1) devrait se composer de tests d’intelligence, le WISC* pour les enfants, la WAIS* pour les adultes, et de deux épreuves projectives complémentaires, le Rorschach et le TAT.
« L’important, confirme la psychologue et psychanalyste Karine Arakelian, c’est de faire le bilan dans son ensemble. Pour un enfant, commencer par des épreuves cognitives rassure. L’enfant exécute une tâche, il peut se découvrir sans se sentir en danger. Puis les projectifs viennent comme une suite logique pour permettre à l’intérieur de se repérer à l’extérieur. » La personne passant le bilan commence donc par une batterie d’épreuves évaluant ses capacités cognitives : catégorisation, mémoire, vocabulaire, raisonnement mathématique, etc. Pas forcément facile, mais du connu pour quiconque a déjà fréquenté l’école. Ces éléments composent et permettent de calculer le fameux Quotient Intellectuel.
Mais avec les tests projectifs, tout change, le sujet se voit confronté à un matériel ambigu qui le renvoie à bien autre chose. Le Rorschach est certainement la plus surprenante et déstabilisante des épreuves projectives. « Je vais vous montrer des planches et vous me direz ce à quoi elles vous font penser, ce que vous pouvez imaginer à partir de ces planches », énonce le psychologue avant de faire défiler dix planches constituées de taches d’encre, certaines noires, d’autres colorées, qui s’organisent autour d’un axe de symétrie comme par pliure. Puis la rencontre, qui se déroule bien souvent en plusieurs séances, se clôt par un test thématique TAT ou CAT en fonction de l’âge : des planches sont à nouveau présentées, mais cette fois elles représentent des images figuratives. La personne testée est appelée à raconter une histoire qu’elle imagine à partir de ce qu’elle voit. Dans une atmosphère de film en noir et blanc des années 1950, des scènes suggestives défilent. Pour les jeunes enfants, les personnages humains sont remplacés par des animaux. Mais le bilan psychologique n’est pas seulement utilisé par des parents rencontrant des difficultés avec leur enfant. Dans un cadre médical ou hospitalier, il constitue un outil précieux pour affiner un diagnostic psychopathologique.