Il est des mots lourds comme des boulets. « Délocalisation » est de ceux-là. Il sonne comme une fatalité, dans un monde économique guidé par la recherche des coûts les plus bas et des meilleures marges. Mais il suscite dans le même temps des appels indignés à l'intervention de l'Etat. Il faut pourtant savoir : est-ce une évolution inéluctable, ou bien la politique a-t-elle quelque prise sur les délocalisations ? La dernière livraison de la Revue de l'OFCE se penche sur la question.
Le décalage est persistant entre la perception publique du phénomène, accusé d'être le grand responsable du chômage, et les évaluations qu'en donnent les économistes. Guillaume Daudin et Sandrine Levasseur estiment à 45 000 le nombre d'emplois industriels français supprimés par les délocalisations entre 1995 et 2001. Comparé aux 4 millions de personnes que compte le secteur, l'impact apparaît quantitativement limité. Les délocalisations ne sont cependant qu'un aspect, le plus visible, de la concurrence exercées par les pays à bas salaires. Les échanges de la France avec les « économies émergentes » sont bien l'une des causes de la désindustrialisation. Selon les estimations disponibles, ce commerce a engendré la suppression de 150 000 à 300 000 emplois industriels, soit 10 à 20 % des pertes d'emplois industriels.