Après plus de trente années de lecture assidue de votre revue, je me permets de vous écrire pour la première fois. Ce n’est pas que l’envie de communiquer faisait défaut, mais l’agenda chargé d’un enseignant-chercheur produit une tendance à la procrastination. Bien sûr, je commencerai par adresser mes compliments à Sciences Humaines, dont je mobilise fréquemment les articles pour mes cours et mes recherches. Mais parlons aussi de science, et en l’occurrence de la « pyramide de Maslow ».
Depuis de nombreuses années, j’avais acquis la conviction qu’Abraham Maslow n’a jamais conçu cet objet curieux, cet outil tellement particulier qu’on peut l’utiliser pour tout sujet, tout en n’étant nécessaire à rien. Ce qui, par définition, ne peut en faire un vrai outil. Ma conviction s’affirmait d’autant plus que jamais un documentaliste, soit-il celui d’une université de renom, n’a pu en identifier l’origine chez l’auteur. Force est de constater que toutes les références à la fameuse pyramide sont des citations de seconde main, c’est-à-dire de personnes qui en citent d’autres, et si on crédite Abraham Maslow lui-même, on ne cite pas la source exacte. Il s’agirait donc d’une interprétation, et en ce cas plutôt d’une déformation, voire d’un contresens qu’Abraham Maslow lui-même aurait combattu.