Qui m'aime m'ampute !

« Moi, monsieur, si j’avais un tel nez, il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! » Ca, c’est dans Cyrano de Bergerac. « Amputez-moi ma jambe gauche, docteur, je vous en supplie ! Ce n’est pas la mienne ! » Ca, c’est dans la réalité : il s’agit du trouble d’identité et d’intégrité corporelle (BIID en anglais). Les annales de la psychiatrie en recèleraient 300 cas. Le BIID type est un homme persuadé que son bras ou sa jambe, en principe du côté gauche, ne lui appartient pas, et qu’il faut l’en débarrasser à tout prix. L’imagerie cérébrale montre que la stimulation du membre indésirable laisse de marbre le lobule pariétal supérieur droit, la zone qui synthétise nos sensations tactiles et visuelles pour construire notre « schéma corporel », la représentation de notre corps. On ne sait pas trop pourquoi, mais le cerveau refuse donc d’intégrer le membre. Quelques BIID trouvent un peu de bonheur en faisant comme s’ils étaient déjà amputés, se promenant avec des béquilles ou en fauteuil roulant, ou s’attachant dans le dos le bras indésirable, un peu comme les transsexuels qui s’habillent avec des vêtements du sexe opposé avant leur opération effective. En un mot, pour se sentir pleinement eux-mêmes, il leur faudrait un membre en moins.