En 2005, le président de l’Université d’Harvard, Lawrence Summers, déclarait, dans le magazine Time, que « le faible nombre de femmes dans les disciplines scientifiques s’explique par leur incapacité innée à réussir dans ces domaines ». C’est que les théories concernant la prédisposition genrée à certaines aptitudes et attitudes sont souvent considérées comme des faits établis. Si les discours à ce sujet ont évolué (les femmes étant encore qualifiées au XIXe siècle comme « plus proches des enfants et des sauvages que de l’homme adulte civilisé »), l’idée sous-jacente reste sensiblement identique : le cerveau des femmes est différent, ce qui les rendrait plus enclines à certaines choses plutôt qu’à d’autres. On parlera alors moins de « l’infériorité » des femme que de particularités, qui trouveraient leur source dans les chromosomes sexuels et la façon dont ceux-ci influencent à la fois la structure du cerveau, mais aussi son fonctionnement, notamment via les hormones. En effet, avec l’avènement des neurosciences, l’intuition qu’il existe des différences entre les cerveaux féminin et masculin s’est vue massivement investie. Fortes de leurs nouveaux moyens, les recherches se sont multipliées. Mais que montrent-elles réellement ?
La forme et l’essence
Certes, nos cerveaux sont différents, en ce sens qu’ils rendent possible l’expression de certains comportements « sexués ». Ainsi, seuls les cerveaux féminins sollicitent chaque mois d’une façon bien précise les structures gérant les hormones à l’origine des cycles menstruels. Par ailleurs, les décennies de recherches menées sur le sujet ont effectivement permis de découvrir à la fois des similarités et des différences de structure selon le sexe. Une méta-analyse parue dans la revue Neuroscience and Behavioural Reviews en 2014 conclut ainsi qu’à travers toutes les tranches d’âge – des nouveau-nés aux octogénaires – les hommes ont un cerveau plus volumineux. Certaines aires sont également plus denses chez eux (comme l’hippocampe, une structure importante pour l’apprentissage et la mémorisation), alors que d’autres le sont davantage chez les femmes (tels les pôles frontaux droit et gauche, les parties antérieures d’un lobe fortement impliqué dans le raisonnement et les comportements contrôlés au sens large).