Qui veut télécharger un cerveau de collection ?

Décédé fin 2008 à 82 ans, Henry Molaison, longtemps connu par ses seules initiales, H. M., fut le plus célèbre patient du XXe siècle. L’ablation de ses lobes temporaux, et plus particulièrement des structures de l’hippocampe, l’avait rendu incapable de mémoriser quoi que ce soit. Pendant plus de cinquante ans, l’analyse de ses troubles a délivré, à son insu, de précieux renseignements sur les processus neurologiques et cognitifs de la mémoire et de l’oubli chez les êtres humains. Son cerveau, scanné sous toutes les coutures puis placé dans du formol juste après son décès, vient d’être découpé en rondelles par l’équipe de Jacopo Annese, de l’université San Diego, en Californie. Il a fallu une trentaine d’heures : l’opération était d’autant plus délicate que l’organe de H. M. est considéré comme une véritable pièce de musée. L’opération pouvait être suivie sur un blog spécialement dédié, qui propose encore quelques séquences vidéo de la procédure (http://thebrainobservatory.ucsd.edu/hmblog). Le cerveau de Henry Molaison va rejoindre une banque de données du Brain Observatory, qui entend reconstituer des représentations digitales, en 3D, de cerveaux réels, pour les mettre gratuitement à disposition des chercheurs et du public. Chaque cerveau ne sera pas anonyme, mais livré avec les renseignements relatifs à son ancien possesseur, c’est-à-dire rattaché à une « biographie neurologique », selon les termes de J. Annese. Il sera possible de zoomer sur les zones cérébrales de son choix, comme pour notre planète avec Google Earth. Nous pourrons donc examiner prochainement le cerveau de H. M. sous tous les angles, derrière notre ordinateur, et méditer à loisir tel Hamlet face au crâne du pauvre Yorick : « Alas, poor H. M. !... »