Racisme

Le racisme se manifeste de multiples manières et de tous temps. D’où vient-il ?

« Mon épouse travaillait chez un docteur. Il s’avère que ce médecin n’avait que deux familles algériennes dans sa clientèle, des harkis. Pourquoi ? Parce qu’elle n’avait pas envie de donner des arrêts de travail à des gens qui ne veulent pas travailler. Ceux qui venaient et disaient : “Docteur, j’ai mal au dos, donnez-moi quinze jours’’, elle les mettait dehors, elle ne les faisait même pas payer la consultation. C’est tout. J’estime que c’était un docteur qui était correct. »

Ces propos, mille fois entendus sur les « immigrés profiteurs », ont été tenus sur un lieu de travail, devant le magnétophone d’un sociologue, dans un local d’une grande surface de Saint-étienne (P. Bataille, Le Racisme au travail, 1997).

Ici, les propos sont tenus « entre Français ». Mais parfois le racisme n’hésite pas à s’exprimer devant les immigrés eux-mêmes, le plus souvent sous la forme de plaisanteries et de railleries, mais parfois aussi sous la forme d’agression. Témoin, cet ouvrier algérien qui travaille dans une entreprise automobile de l’Est parisien et qui est en bons termes avec ses collègues. Lors des attentats dans le métro à Paris, l’un d’entre eux l’interpelle le matin : « Alors, t’es content d’avoir tué des Français ? »

Le racisme ne se réduit pas aux seuls propos, stéréotypes, provocations et humiliations verbales. Le racisme, c’est aussi une discrimination effective dans la sélection à l’embauche, la gestion des carrières, les barrières à l’entrée de certaines professions, etc.

publicité

C’est le cas de cette jeune femme qui travaille dans une entreprise d’entretien dont les clients l’informent qu’ils ne souhaitent pas voir d’étrangers dans leurs locaux. C’est encore le cas de ce jeune Noir qui a un diplôme d’école de commerce, mais ne parvient pas à trouver un emploi du même niveau que tous les autres étudiants de sa promotion.

La xénophobie est-elle universelle ?

Dans une acception étroite, le racisme est une idéologie de l’inégalité des races qui s’est développée en Europe à partir de la fin du XIXe siècle. Dans son Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855), l’écrivain Joseph A. de Gobineau (1816-1882) soutenait une vision de l’histoire où les races humaines jouent un rôle fondamental. Les trois races (noire, jaune, blanche) étaient, selon lui, destinées à se mêler, entraînant le déclin irréversible de la race blanche. En elle-même, la doctrine de Gobineau est plus ambiguë que la récupération qu’en firent plus tard les nazis. L’historien Léon Poliakov déclare même que J.A. Gobineau était « le moins antisémite des hommes ». Cette théorie des races était très répandue au XIXe siècle. Toute l’anthropologie physique naissante s’était fondée sur l’idée de profondes différences des races et des civilisations. À leur origine, les sciences sociales, rappelle Michel Wieviorka, ont largement contribué au développement de la théorie raciste (L’Espace du racisme, 1991).