Regards croisés sur l'homosexualité

Louis-Georges Tin (dir.), Puf, 2003, 448 p., 49 €.
Reconnue, acceptée ou stigmatisée selon les époques et les lieux, l'homosexualité recouvre une vaste gamme de conceptions et de vécus, dont deux ouvrages collectifs proposent la synthèse.

Lors du week-end du 28 juin de cette année, plus d'un million de personnes, homosexuelles pour la plupart, ont défilé lors de la Gay Pride dans plusieurs capitales européennes : Paris, Berlin, Vienne, Madrid, Zagreb ou encore Lisbonne. Pour thème officiel, la version parisienne avait choisi la lutte contre toutes les discriminations, enjoignant ainsi le gouvernement à adopter une législation pénalisant les propos homophobes. Le 2 août, l'édition suédoise a quant à elle été perturbée par une trentaine de skinheads, qui ont attaqué les manifestants en leur lançant des bouteilles et en réclamant l'emprisonnement des « pédophiles ».

Goût de la fête et revendications, homophobie et accusations de pédophilie. Voici quelques exemples de ce que peut être le vécu homosexuel, présentés et analysés - parmi beaucoup d'autres thèmes -, dans deux dictionnaires consacrés à l'homosexualité. Sortis à la même période, entre fin mai et début juin, ils ont été largement couverts par la presse - magazines et quotidiens - au moment de la Marche des fiertés lesbienne, gaie, bi et trans (nouvelle appellation de la Gay Pride). Ce qui s'explique par l'engouement actuel des médias pour la « question » homosexuelle, mais aussi par le caractère inédit de ces deux ouvrages. Le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, dirigé par Didier Eribon, philosophe et historien des idées, n'est pas un titre usurpé : de manière aussi exhaustive que possible, il offre un panorama complet sur des sujets sinon propres aux homosexuels, du moins constitutifs d'une culture qui leur est, de près ou de loin, commune. Au fil des quelque 600 articles, rédigés par une centaine d'auteurs (historiens, juristes, spécialistes de la littérature, sociologues, anthropologues mais aussi journalistes et acteurs de la vie homosexuelle), c'est finalement la constitution de l'identité culturelle homosexuelle au xxe siècle qui apparaît ici comme fil conducteur.

Pour refléter le caractère multiforme de cette identité, sa diversité, les thèmes abordés sont particulièrement variés ; l'entrée « disco » côtoie celle des « discours scientifiques ». On trouve l'action de Act up (association de lutte contre le sida, dont sont analysés ici les conditions d'émergence, les discours et les modes d'action - souvent spectaculaires -, et plus largement son évolution), le cinéma pornographique, l'écrivain Jean Genet, le fascisme, etc. Le panel est large, les thèmes abordés vont des incontournables aux moins prévisibles, embrassent les grands penseurs, le regard des sciences humaines (avec des entrées consacrées aux approches anthropologique, sociologique, historique ou psychanalytique de l'homosexualité), les figures emblématiques et les modes de vie. Cet ensemble offre donc une vue d'ensemble des transformations, voire des mutations de ce qui constitue cette culture homosexuelle difficilement saisissable.