Psychanalyse et neurosciences sont-elles vraiment inconciliables pour aborder l’autisme ? Des tentatives de dialogue existent bel et bien. Récit d’une rencontre entre une clinicienne lacanienne et des neurobiologistes.
Comme dans les contes, ce soir-là, dans une salle comble face à un auditoire attentif, deux fées venues de mondes qui s’ignorent se sont penchées sur le berceau d’un bébé. L’une était psychanalyste, l’autre neurobiologiste. Et le bébé était autiste…
Marie-Christine Laznik est une psychanalyste déroutante. Membre de l’Association lacanienne internationale, elle travaille depuis quarante ans dans l’un des bastions cliniques des psychanalystes freudiens, le Centre Alfred Binet, à Paris. Spécialiste de la prise en charge psychanalytique des bébés et de leurs parents, elle prétend pouvoir repérer les signes précoces de l’autisme.
Dépassant les querelles idéologiques sur l’étiologie de l’autisme, elle ne remet plus en cause l’hypothèse génétique que les données épidémiologiques démontrent, mais assure, sans fausse modestie, pouvoir inverser l’expression génétique et modifier, si elle intervient dans les premiers mois, le cours de la vie du bébé né autiste. « Avec l’expérience, j’ai complètement changé d’avis sur l’origine de l’autisme, déclare Marie-Christine Laznik. Avant, je croyais que la dépression de la mère pouvait en être la cause ; mais je me suis rendu compte que les bébés autistes ont, au départ, des mères parfaitement normales. D’ailleurs ils agissent de la même façon avec moi et avec leur mère, alors qu’un bébé dont la mère est déprimée peut s’en détourner pour s’accrocher à l’analyste. Les études épidémiologiques évaluent la prévalence de l’autisme entre 60 % et 80 % chez les jumeaux homozygotes (les « vrais jumeaux », ndlr), la dimension génétique est indéniable. Mais si on intervient très tôt, avant leurs 6, 7 mois, en raison de la plasticité du cerveau, on peut inverser les choses et sortir le bébé de l’autisme. »
C’est à ce véritable numéro de voltige psychanalytique que Marie-Christine Laznik convie son auditoire ce soir-là. Grande adepte de l’enregistrement vidéo de ses consultations, elle propose un résumé filmé de plusieurs mois de psychothérapie d’un bébé autiste et de sa mère. Mais le débat ne se limite pas aux seuls psychanalystes, car l’enregistrement est visionné par différents neuroscientifiques qui viennent y apporter leurs commentaires. Il s’agit donc d’un regard croisé des psychanalystes et des neuroscientifiques sur la clinique de l’autisme.
Hubert n’a que 2 mois quand sa mère, inquiète, vient consulter Marie-Christine Laznik. Il est le dernier-né d’une fratrie de quatre et, si ses deux grandes sœurs vont bien, son frère aîné, âgé de 4 ans, vient d’être diagnostiqué autiste. La mère d’Hubert en est certaine, ce bébé se développe comme son grand frère autiste. Au premier rendez-vous, la psychanalyste ne peut que partager l’inquiétude de la mère. Le bébé est fermé, inerte, il détourne la tête quand on lui parle. La psychanalyste déploie des trésors d’énergie pour essayer de capter son regard. La thérapie commence.