Le besoin d’optimiser son cerveau est-il un effet de mode lié à l’émergence de nouvelles technologies, ou reflète-t-il un phénomène plus ancien et plus profond ?
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un simple effet de mode, puisque les technologies, de toute façon, vont se pérenniser. L’envie de mieux penser, en tout cas différemment, est en réalité vieille comme le monde : c’est même une caractéristique de l’être humain. Mais pour le chamanisme, le yoga, la psychanalyse et diverses formes de thérapies, par exemple, il était nécessaire d’entrer dans une doctrine, d’adopter une vision du monde vouée à vous améliorer. Là, nous sommes devant quelque chose de plus expérimental, ludique, d’aucuns diraient superficiel, où conviction et conversion ne sont pas nécessaires, et offrant la possibilité de vérifier rapidement l’efficacité du résultat, non au bout de plusieurs années. Les deux démarches ne sont pas incompatibles, mais ne relèvent pas de la même logique d’action.
Quelles sont les différentes techniques modernes d’optimisation du cerveau, et peut-on évaluer leur efficacité ?
Les techniques sont très variées, plus ou moins fantaisistes, et leur efficacité est encore très difficile à évaluer. L’« effet Mozart », par exemple, selon lequel une telle musique améliorerait nos cognitions de façon spectaculaire, ne semble pas fondé. Pour autant, cela ne veut pas dire que ça n’agisse pas du tout ! Quelqu’un qui prend plaisir à écouter Mozart avant d’accomplir un travail va peut-être mieux l’exécuter, mais un effet analogue serait peut-être obtenu avec Led Zeppelin. Les tests sont biaisés : pourquoi ne pas avoir essayé avec le rap ? Plus scientifique en apparence, l’accession à une connaissance instantanée grâce à un implant cognitif constitue le rêve de beaucoup de futuristes. Actuellement, c’est absolument hors de portée. Mais la stimulation magnétique transcrânienne me semble moins spéculative : cette technique consiste à modifier l'activité de certaines zones du cerveau. L’Australien Allan Snyder cherche par ce moyen non à augmenter les capacités du cerveau en général, mais à inhiber le fonctionnement de certaines zones pour en libérer d'autres. Il affirme avoir ainsi obtenu une créativité accrue de ses sujets, en l’occurrence leur facilité à dessiner. Ca me semble trop beau pour être vrai, puisque son expérience n’a pas été reproduite pour l’instant. Mais c’est une piste. D’autres produits pourraient être efficaces, mais dangereux. La Ritaline, à l’efficacité certaine pour les sujets souffrant d’un déficit de l’attention, a-t-elle des effets secondaires ? Et augmente-t-elle toutes les capacités intellectuelles dont on a besoin ? C’est peut-être bien pour se concentrer et préparer ses examens, mais pour la créativité, c’est nul ! Dans un récent sondage de la revue Nature, 30 % des scientifiques interrogés ont avoué consommer de la Ritaline, des bêtabloquants ou du Provigil pour travailler. Leur degré de concentration doit en être amélioré, et c’est peut-être très bien pour une équation, mais ne vaut-il pas mieux être parfois déconcentré pour chercher une nouvelle théorie ? Certains produits sont donc efficaces dans un domaine très restreint, mais rien ne dit que ce soit généralisable. Pour l’instant, le sujet est trop vaste pour que de petites équipes puissent obtenir des résultats certains. Il faut reconnaître qu’on ne sait pas grand-chose, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille rien chercher ! Je pense que les choses ne se décanteront que lorsque des milliers de gens auront fait part de leurs expériences diverses grâce à Internet : là se trouve un impact supplémentaire des nouvelles technologies.