Dans le monde des universitaires, les querelles de chapelle sont monnaie courante. Qu’il s’agisse de psychologie, d’histoire ou de sociologie, ces conflits se réduisent rarement à de simples rivalités entre personnes : ils dissimulent souvent des affrontements politiques.
Ce mois-ci, le courrier des lecteurs nous en a donné une illustration. Nous avons reçu quelques lettres enflammées de la part de spécialistes du bouddhisme, sujet dont on soupçonne peu qu’il puisse susciter la polémique. Ces universitaires s’indignent que l’un de nos journalistes ait interviewé Élisabeth Martens, auteure d’une Histoire du bouddhisme tibétain, dont ils contestent la légitimité. « Pour la réputation de votre magazine, je vous encourage vivement à interviewer quelqu’un d’autre… », écrit ainsi Marie Holzmann, sinologue respectée. « Inepte », « désolant », « débile », « confus », font partie des noms d’oiseaux qui ont également atterri dans notre boîte aux lettres.
Qu’est-il donc reproché à cette historienne ? Deux choses. D’abord, Élisabeth Martens n’est pas du « sérail ». Elle est diplômée en biologie et spécialiste de médecine chinoise. Elle ne serait donc pas « autorisée » à s’exprimer sur le bouddhisme. Laurent Testot, spécialiste des religions à Sciences Humaines, rejette cet argument : « Sur les questions religieuses, certains excellents auteurs sortent du parcours académique ; c’est précisément ce qui fait la richesse de l’interprétation du fait religieux. J’ai choisi d’interviewer Mme Martens parce que son livre est riche, intéressant et porteur d’une thèse originale en France. »