Le monde du virtuel n’est pas une invention récente liée à Internet et aux jeux vidéo. Il remonte plus loin : au cinéma, à la télévision ou à l’écriture, grâce auxquels on pouvait déjà s’immerger en pensée dans des mondes imaginaires. Le monde virtuel est aussi vieux que l’humanité elle-même, car le virtuel est consubstantiel à la nature humaine. Tel est le point de départ du livre de Serge Tisseron, spécialiste de la psychanalyse des images et des imaginaires ludiques : si le virtuel n’est pas une invention technique récente liée aux écrans, c’est que nous avons tous un pied dans le réel et un autre dans le monde de nos rêves intérieurs.
Serge Tisseron commence par distinguer trois types de rêves éveillés. Le fait de « rêvasser », relève de la fantasmagorie et du monde mental des obsessions, angoisses et des fantasmes, découplés de toute action sur le réel. A l’inverse, l’imagination est « centrée sur la transformation de la vie réelle ». Elle cherche à ancrer nos désirs dans des plans d’action, à tisser des projets, marier le rêve et la réalité. La rêverie, plus vagabonde, est à mi-chemin entre les deux. Tout le monde oscille plus ou moins entre ces pôles, mais il est des gens qui vivent plus que d’autres dans leurs rêves, c’est-à-dire qu’ils déconnectent complètement leurs rêves intérieurs et leur vie réelle. Cette relation « virtuelle » au monde correspond à l’attitude des rêveurs impénitents, qui mènent une vie fantasmatique d’autant plus riche qu’elle n’a aucun ancrage dans leur réalité. N’est-ce pas le propre de ces gens qui passent tant de temps sur les écrans à faire des jeux vidéos, à fantasmer sur des sites pornographiques, à rêvasser sur eBay, à nouer des liens sur Facebook avec des amis imaginaires ?