Comment apprendre aux élèves de maternelle à séparer le jeu du travail ? Pour répondre à cette question, Laurence Garcion-Vautor, du Centre interdisciplinaire de recherche sur l'apprentissage et le développement en éducation (Cirade), a étudié des classes de petite, moyenne et grande sections d'écoles maternelles en France en s'intéressant à un moment-clé de la journée : celui du regroupement des élèves à leur arrivée le matin.
Ce moment est marqué par une série d'activités qui se répètent tous les jours : les enseignants rassemblent les élèves et les placent face à eux, la classe va ensuite compter ensemble les présents et les absents et afficher le jour et la date. Ces activités qui peuvent sembler anodines jouent en fait le rôle de rites : elles constituent des cérémonies qui permettent d'assurer la séparation entre le jeu et le travail, entre la maison et l'école. Les élèves qui arrivent à l'école doivent obéir à des règles qui ne sont pas forcément les mêmes que chez eux : « Stop, on lève son doigt maintenant » ; « Tu t'assieds, tu bouges plus » ; « Viens près de moi » ; « Regardez ici les enfants ».
Toutes ces consignes qui ponctuent le regroupement des élèves visent à discipliner les corps et à marquer un temps différent et un nouvel espace. En comptant tous ensemble les élèves présents et absents, la classe commence déjà à travailler sur les nombres. Avec l'affichage dans la salle du jour et de la date, les élèves se familiarisent avec l'écrit. Jour après jour, grâce à ces rituels, les élèves acquièrent donc un savoir commun et apprennent les règles qui organisent l'école. On aurait donc tort de sous-évaluer l'importance de ces activités quotidiennes, elles jouent un grand rôle dans la socialisation scolaire.
Références
L. Garcion-Vautor, « L'entrée dans l'étude à l'école maternelle. Le rôle des rituels du matin », Ethnologie française, jan.-mars 2003.