Un jour, je me suis habillée tout en blanc et j’ai dit à Jacques, mon mari dépressif chronique depuis onze ans : ‘Regarde, je ressemble comme deux gouttes d’eau au réfrigérateur ! Exactement pareil : le frigo, tu l’ouvres et la nourriture est là. Moi, je suis là : fais à manger, fais le ménage, occupe-toi des enfants et continue de vivre comme si de rien n’était ! Eh bien, en ce qui me concerne, ça ne marche pas pareil. J’ai aussi le droit d’exister, d’avoir quelqu’un sur qui compter, de pouvoir poser mes valises de temps en temps…’ » À l’image de cette femme qui partage son quotidien avec un mari dépressif, de nombreux proches de personnes souffrant de troubles psychiques s’interrogent : comment aider mon conjoint, mon parent, mon enfant ? Suis-je le mieux placé pour le sortir de là ? N’est-il pas en train de me contaminer avec ses soucis ?
Accompagner sans brusquer
Lorsqu’on partage son quotidien avec une personne psychologiquement fragile, on est souvent la première cible de choix. Réceptacle de ses projections, de son désespoir, sa lassitude, ou pire son agressivité et ses remontrances au quotidien, difficile alors de rester neutre et de se dire : « C’est sa maladie qui fait qu’il est comme ça… » Et pourtant le piège, c’est bien d’identifier son proche à cet état de mal-être, comme s’il avait toujours été comme ça. Pour aider son proche, il est donc tout d’abord nécessaire de prendre la juste mesure du trouble qui le ronge. « Accompagner (…), sans le brusquer, ni lui fixer des objectifs trop difficiles », conseille le psychiatre Jérôme Palazzolo. Ne pas le forcer à prendre des décisions qu’il ne pourra assumer ! Ne pas le juger ! Ne pas le convaincre qu’il va mieux qu’il pense ! Ne pas le culpabiliser en le renvoyant vers ses responsabilités (« Pense aux enfants ») ! Ce qui compte, c’est d’être là, quitte à jouer parfois à la maman lorsque la personne est au plus mal. « Les parents ou les amis qui sont inscrits dans une telle dynamique doivent dans certains cas veiller à l’habillement, à la préparation des repas et à l’hygiène d’une personne incapable de le faire par elle-même », évoque Jérôme Palazzolo. Mais attention à ne pas se laisser envahir, ni à trop envahir l’espace de l’autre. « Soutenir sans rabrouer, aider sans être intrusif, accompagner sans manipuler, écouter sans délaisser, respecter sans s’éloigner », conseille le psychiatre. Et aussi poser des limites pour éviter de se laisser envahir par son mal-être.