Russie et Iran, alliés de circonstances

« Les ennemis de mes ennemis sont mes amis »… Jamais l’expression n’aura été aussi vraie qu’entre l’Iran et la Russie. Longtemps ennemies, les deux puissances se sont rapprochées pour gérer la crise syrienne.

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S’ils demeurent pour l’essentiel des puissances de substitution face à l’influence occidentale, l’Iran et la Russie s’affirment aujourd’hui comme des acteurs incontournables dans les guerres régionales du Proche-Orient. Iran et Russie interviennent ainsi aujourd’hui au coude à coude en Syrie. Pourtant, les relations entre les deux puissances ont longtemps été compliquées. En dépit d’alliances ponctuelles au 16e siècle contre l’Empire Ottoman, les deux empires (russe et perse) ont été en conflit notamment au 19e siècle, en raison d’une rivalité sur le contrôle du Caucase. Pour la Perse, le Caucase était un élément de son domaine géographique « naturel ». Pour la Russie, il s’agissait d’une région stratégique sur le chemin des mers chaudes. En 1804-1813, puis en1826-1828, deux guerres entre Perses et Russes ont ainsi éclaté – la délimitation actuelle de la frontière nord de l’Iran étant d’ailleurs fixée à ce moment.

Les tensions ont continué au 20e siècle. Lors de la guerre froide, le Shah Mohammad-Reza Pahlavi (1941-1979) considérait Moscou comme la principale menace pour la sécurité nationale de l’Iran. L’Iran est donc tout naturellement devenu l’un des piliers régionaux du camp américain, à la pointe de la lutte contre l’influence soviétique et de ses relais communistes locaux.

Tout bascule avec l’instauration de la Révolution islamique de 1979. Les États-Unis sont désormais considérés comme nouvelle menace prioritaire pour la théocratie iranienne. Pour autant, cela ne signifie pas que la nouvelle République islamique se transforme en régime pro-soviétique. Il faudra attendre la fin de la guerre Iran-Irak (1980-1988) et d’Afghanistan (1989) pour que Moscou et Téhéran amorcent un premier rapprochement. Et c’est surtout avec la chute de l’Union soviétique et la fin de la concurrence idéologique entre le communisme et l’islamisme khomeyniste que les relations russo-iraniennes se transforment enfin en partenariat.

Unis contre le djihadisme sunnite

Aujourd’hui, les objectifs russo-iraniens au Moyen-Orient convergent en raison d’une même crainte : Russie et Iran partagent la conviction qu’il existe une connivence entre les États-Unis et les djihadistes sunnites dans les mondes musulmans, et ce, depuis la guerre d’Afghanistan dans les années 1980. Selon le récit russe, il existe une continuité entre l’expérience afghane des années 1980 et la guerre civile en Syrie depuis 2011 : dans les deux cas, Moscou estime que les États-Unis soutiennent le djihadisme sunnite, des talibans afghans aux groupes d’opposition syriens. Du côté iranien, l’ayatollah Khomeiny accuse l’Arabie Saoudite d’être le leader de l’« islam américain » et les dirigeants de la République islamique soulignent souvent le rôle des États-Unis dans l’émergence de Daesh.