Sciences Humaines: Les Etats-Unis sont les premiers à avoir introduit ce que vous appelez le « nouveau productivisme ». Vous montrez dans votre livre qu'ils ont aussi pris une longueur d'avance sur l'Europe dans le domaine de la sécurité au travail. Quels sont les ingrédients de leur succès ?
Philippe Askenazy: Au cours de la dernière décennie, on a observé aux Etats-Unis une amélioration spectaculaire de l'ensemble des indicateurs de santé et de sécurité au travail. Les entreprises avaient introduit de nouvelles méthodes de production sans se soucier de leurs conséquences sur les salariés. Aujourd'hui, une bonne partie d'entre elles ont entrepris de repenser l'organisation du travail en intégrant le facteur humain. Elles ne l'ont pas fait pour des raisons éthiques, mais pour de strictes considérations économiques.
Les entreprises américaines ont dû parer à une augmentation conséquente des coûts des accidents et maladies professionnelles. Les indemnités versées aux salariés sont bien plus élevées aux Etats-Unis qu'en France. Or, elles sont couvertes par un système d'assurance privé, qui répercute le coût des accidents et maladies du travail sur les primes payées par les entreprises. A cette dimension financière s'ajoute un coût en terme d'image. L'équivalent américain de l'Inspection du travail a publié sur son site Internet des listes noires recensant les entreprises les plus dangereuses. Les syndicats se sont employés à leur faire une publicité négative. Cela a eu pour effet d'éloigner autant la clientèle que les candidats à l'embauche.