Il n’est pas facile d’imaginer en passant aujourd’hui devant le café de Flore que c’est là, sur ces tables où se prélassent touristes et gravures de mode en goguette, que s’est élaborée l’une des philosophies les plus marquantes du XXe siècle. Le Flore est le symbole à la fois du sérieux et de la frivolité de l’existentialisme. Jean-Paul Sartre y avait sa ligne directe, y recevait amis et admiratrices. Il y a aussi écrit L’Être et le Néant (1943), un pavé de 722 pages où le jeune professeur pose les bases d’une théorie de l’existence qui rompt avec les déterminismes et causalités des philosophies du sujet.
L’existentialisme est un humanisme
Pour Sartre, être homme, c’est exister, au sens étymologique du terme c’est-à-dire « se placer hors de ». La conscience, absolument libre, est cette capacité à néantiser le réel. L’homme peut donc, à chaque instant s’inventer : il est ce qu’il fait, et rien d’autre. « L’existence précède l’essence. » Celui qui s’enferme dans un rôle, s’abrite derrière un quelconque déterminisme, bref cache sa liberté, est donc de « mauvaise foi ». L’Être et le Néant pose ainsi les bases d’une philosophie de l’engagement dont la notoriété ne viendra pourtant pas de ce texte passé inaperçu à sa parution, mais de ses déclinaisons romanesques et théâtrales. En 1938, Sartre avait déjà publié un roman, La Nausée. Son premier grand succès est une pièce de théâtre, Huis clos, dont la première a lieu le 27 mai 1944. La pièce met en scène les thèmes sartriens de la mauvaise foi, du regard et du corps pour autrui.