Schizophrénie et emploi

Depuis dix ans, une entreprise d'insertion embauche des jeunes schizophrènes. Une telle expérience est suffisamment originale pour avoir suscité l'intérêt d'une psychiatre et d'un psychologue qui viennent d'en publier un bilan. Les entretiens effectués auprès de chaque patient lors de l'embauche, puis au bout de six mois, d'un an, permet de mesurer leur évolution.

Lors de l'entretien d'embauche, ces personnes, qui ont une image très dévalorisée d'elles-mêmes, surinvestissent l'emploi proposé, et parlent du travail comme étant le moyen incontournable de réussir leur vie et de s'accomplir, bien avant le couple, la famille ou les amis. Au bout de six mois, un premier bilan est effectué, qui révèle que ces jeunes vivent alors souvent une situation ambivalente. D'une part, ils sont satisfaits de constater qu'ils sont compétents et qu'ils entretiennent des relations humaines avec leurs collègues. Cependant, celles-ci leurs apparaissent moins fructueuses qu'ils ne l'espéraient. Et surtout, ils sont angoissés au sujet de leur maladie, se demandant s'ils sont vraiment guéris.

Au bout d'un an, on constate trois types de trajectoires. La plupart de ces jeunes évoluent de manière globalement favorable, acquérant notamment une meilleure image d'eux-mêmes, mais après avoir connu des périodes oscillant entre crises et avancées. Pour d'autres sujets, l'évolution positive est constante. Leur mal-être s'atténue, leur confiance en soi se développe, et ils ont souvent une vie sociale extérieure à l'entreprise. Pour d'autres enfin, se produit une rechute, qui peut conduire à l'abandon de l'activité professionnelle, voire à l'hospitalisation. Selon les auteurs, l'un des facteurs déclenchant des crises réside sans doute dans la densité émotionnelle qui s'instaure entre ces jeunes et leurs collègues de travail. Ils sont hypersensibles à l'ambiance de travail et ressentent très négativement l'agressivité de certains collègues, même si cette attitude ne les concernent pas directement. Par contre, ils ont beaucoup de difficulté à repérer leurs propres expressions émotionnelles, ainsi que l'influence qu'elles peuvent avoir sur autrui.