Se reconnecter au monde Trois questions à Séverine Kodjo-Grandvaux

Pour cette philosophe, abroger les frontières entre l’humanité et le reste du monde vivant est nécessaire pour mieux vivre, mais aussi pour affronter la crise écologique.

De plus en plus d’universitaires et d’intellectuels comme vous prônent de nouvelles approches de la nature. Comment redéfinissez-vous le « vivant » ?

Invoquer le « vivant » évite d’employer l’idée de « nature », forgée par les penseurs de l’Époque moderne (15e-18e siècle). Celle-ci était utilisée pour séparer l’humain de tout le reste – monde animal, minéral, végétal… –, alors perçu comme des ressources que l’on pouvait s’approprier et dominer. Si cette vision a débouché sur des découvertes scientifiques, elle a aussi occulté tout un pan de la réalité. De plus en plus de chercheurs remettent en cause cette représentation de l’homme comme seul être pensant. Ils montrent que le vivant est un grand tout, dont les éléments, interdépendants, communiquent et produisent du sens. Des études scientifiques décrivent comment les végétaux communiquent entre eux et avec d’autres espèces par exemple. Parler du « vivant » permet de réinsérer l’humain dans cet ensemble et de restaurer avec ce dernier une relation sensible.