Se séparer sans se fâcher

Comment conclure un licenciement difficile sans passer par la case des prud'hommes ? Appelé « golden parachute » ou « arrangement à l'amiable », selon que l'on soit célèbre PDG ou simple employé, un même outil juridique est utilisé : la transaction individuelle. Un accord entre direction et salarié qui se résume à un engagement mutuel : le paiement d'indemnités par l'employeur contre le refus de tout recours juridique par le salarié. Une manière de se séparer sans se fâcher.

Devenue monnaie courante dans les entreprises, cette pratique des transactions individuelles s'applique à tous les cas et tous les niveaux. Mais elle est surreprésentée chez les cadres : ceux-ci font l'objet de plus de la moitié de ces arrangements (52 %), alors qu'ils ne représentent que 15 % des salariés. Une vraie « division juridique du travail », avance le chercheur de cette étude, Romain Melot, dans laquelle les cadres sont choyés : que ce soit pour des raisons économiques ou de « mésentente », le chef d'entreprise sait qu'il y va aussi de son intérêt de se séparer de lui sans grabuge. D'abord pour une question de réputation : le cadre, s'il est satisfait des conditions de son départ, donnera une meilleure image de cette société à l'extérieur. Raison stratégique aussi : un manageur a pu avoir accès à des informations confidentielles qu'il serait mauvais de révéler à d'autres sociétés. Un chantage insidieux peut ainsi avoir lieu aboutissant à une clause de non-concurrence dans le contrat de transaction. Enfin, la justification de cette différence de traitement est surtout économique : un cadre qui obtient gain de cause aux prud'hommes coûte bien plus cher en dédommagement qu'un employé. La transaction permet aussi d'effectuer des montages financiers qui éviteront par exemple de payer des charges en transformant des indemnités de licenciement en « dommages et intérêts ». Il suffit alors d'inventer un litige.