Sélection du mois

« Discours post-attentats »
Mots. Les langages du politique,
N° 118, novembre 2018, 184 p., 19 €.

Quatre ans après l’attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo, la revue Mots. Les langages du politique se penche sur la série d’attentats qui frappèrent la France en 2015 et 2016, pour analyser les discours qu’ils ont provoqués. Les sociologues et politistes Gérôme Truc, Christion Le Bart et Émilie Née, coordonnateurs de ce numéro, le rappellent : « Il n’y a pas d’attentats sans discours (…). Un attentat qui ne fait pas parler de lui, qui ne suscite pas de déclarations des dirigeants politiques, de revendications des terroristes, d’analyse d’experts, de réactions émues des citoyens, n’est pas un attentat. »

Comparant les attentats de 1995 à ceux de 2016, les politistes Isabelle Garcin-Marrou et Isabelle Hare identifient trois évolutions majeures dans le traitement médiatique de leurs protagonistes. Tout d’abord, tandis que les attentats de 1995 ne semblaient guère ébranler l’État, ceux de 2015 et 2016 déclenchent de nombreuses demandes d’intervention des autorités et des réponses politiques fortes telles que le déclenchement de l’État d’urgence. Le pouvoir politique mobilise alors un « champ lexical guerrier ». Ensuite, le discours porté sur les auteurs des attentats passe de la stupeur, face à l’irruption d’une altérité menaçante (l’islamisme), à l’inquiétude de voir jaillir une « menace intérieure » produite par la société elle-même. Enfin, un nouveau registre sémantique apparaît avec les attentats de 2015 et 2016 pour parler des réactions de la société civile. L’expression de la sensibilité, des émotions et de la douleur partagée succède à l’approche plus détachée des années 1990.