Sexe et amour peuvent-ils devenir une drogue ?

Ils se nomment « dépendants affectifs » et sex addicts. Mais peut-on être malade d’amour ou « accro au sexe » ? Certains psychologues et psychiatres le pensent. 
Et des thérapeutes de tous horizons s’engouffrent dans la brèche…

Anonyme. Le qualificatif sied bien au lieu de la réunion, une pièce aux murs jaunis, semblable à une salle de classe, avec ses tables rectangulaires disposées en forme de U, dans un bâtiment délabré sis derrière un petit oratoire de la métropole lyonnaise. Si l’accueil est cordial, consigne est donnée dès l’entrée de ne citer aucun nom dans cet article. Car la discrétion est le maître mot des DASA, les Dépendants Affectifs et Sexuels Anonymes. Directement inspiré de l’acronyme anglo-saxon SLAA (Sex and Love Addict Anonymous), le réseau DASA a émergé il y a quelques années en France. Des réunions hebdomadaires ont lieu à Paris, Nantes, Lyon, Strasbourg ou Montpellier.

Ils sont trois à avoir bravé le froid hivernal pour se rendre à la réunion ce jour-là. Après quelques bavardages d’usage, la dernière arrivée prépare la « séance », disposant quelques livrets de préceptes des SLAA à la traduction incertaine, et allumant une bougie devant chaque participant. Les préparatifs sont l’occasion de quelques confidences. « J’ai fréquenté les cabinets de psys pendant dix ans, explique l’une des membres. J’avais l’impression de me heurter à un mur. Je peux vous dire qu’il n’y a qu’ici que j’ai trouvé une réelle écoute par rapport à ce que je vis ». L’autre jeune femme abonde dans ce sens : « J’ai eu recours à un psy pendant huit mois après avoir rompu avec le père de mes enfants. Mais la communication était inexistante. À la fin, je me taisais… »

La réunion débute par une « prière de la sérénité ». Directement inspiré des Alcooliques Anonymes, fondé aux États-Unis dans les années 1930, le mouvement DASA est basé sur un programme de rétablissement en douze points, que les membres énumèrent au début et à la fin de chaque séance. Les DASA l’affirment sans ambages : ils souffrent d’une « maladie évolutive qu’on ne peut éliminer » mais dont il est néanmoins possible d’« arrêter » la progression. La première des douze étapes consiste à le reconnaître.

Les autres étapes attestent de la dimension spirituelle du mouvement, en particulier dans la reconnaissance d’une « puissance supérieure » qui peut rendre ces dépendants « à la raison ». « Cette puissance supérieure n’est pas forcément Dieu. Ce peut être par exemple la relation que nous entretenons les uns avec les autres, nous, les DASA, tempère l’une des jeunes femmes. Il y a une démarche holistique dans notre mouvement. Nous cherchons un rétablissement de la connexion entre le corps et l’esprit ». Cette membre se définit comme « dépendante affective et anorexique émotionnelle en voie de rétablissement ». De prime abord pourtant, difficile de croire que la relation à autrui puisse paralyser à ce point cette trentenaire à l’air jovial et dynamique.