« Si l’argent ne fait pas le bonheur, rendez-le ! » Je suis sûre que de là où il est, Jules Renard ne m’en voudra pas pour lui avoir emprunté son titre. A force d’être sans le sou, la tentation du vol est grande !
SDF, moi ? Jamais !
Toucher le fond et tout perdre, ça n’arrive qu’aux autres. On y pense parfois pour s’amuser à se faire peur mais on sait bien que nous, on sera épargné. Avouez qu’avant de se retrouver sur un carton réchauffé par une bouche de métro, faut quand même avoir sacrément déconné. Faute lourde, feignasserie congénitale, ou incapacité à traverser la rue pour trouver du boulot… Sauf qu’en vrai, un SDF, c’est un peu comme une femme battue. Il n’y est souvent pour rien, mais tout l’accuse. La preuve, il picole. De même que les femmes battues restent parce qu’elles aiment ça, pardi ! Des CQFD comme ceux-là, la société en est pétrie. Et rien de plus balèze que l’opinion de ceux qui dorment tranquilles.
Déclassée, j’ai pu tâter de l’indifférence, voire du mépris de ceux que la guerre économique ne touche pas.
Je suis passée du côté de ceux qui comptent les sous qu’ils n’ont pas, qui ne comptent plus pour grand-monde. Et qui regardent vivre les autres pendant qu’ils tentent de survivre.
Devenir pauvre, un acte de courage ?
Allez, avant d’entrer dans le détail de ce qu’est la vie d’un pauvre en 2020, il n’est pas inutile de rappeler, histoire de faire taire les mauvaises langues qui seraient encore tentées de n’y rien vouloir comprendre, que devenir pauvre, parfois, ça se mérite. Ça peut même être, disons-le tout net, un acte d’héroïsme. Parce qu’on ne devient pas pauvre comme ça, du jour au lendemain. Pour ça, il faut avoir rêvé d’une vie meilleure et se l’être offerte, coûte que coûte. Ces héros invisibles passés du côté des déclassés ont un jour dit non au patron qui leur demandait de dénoncer un collègue pour garder leur place, ont refusé de plier sous le harcèlement, ont préféré tenter une autre aventure professionnelle, plus indépendante et qui a mal tourné… Ce sont aussi ceux – et bien souvent celles – qui, au lieu de rester dans un couple qui n’est plus qu’une association économique, ont quitté l’abri pour ne pas se perdre dans leur confort matériel. Par les temps qui courent, c’est quasi suicidaire ! J’en sais quelque chose...