> Redoine Khayat
Psychiatre et psychothérapeute syrien originaire de Damas, installé au Royaume-Uni, Redoine Khayat est responsable du programme de protection de l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM), la plus grande ONG dispensant des services de santé mentale aux réfugiés syriens, pour laquelle il réalise de fréquents déplacements en Turquie, afin de superviser les équipes intervenant sur place.
Quels types de services en santé mentale dispense votre ONG ?
En Turquie, pays comptant le plus grand nombre de réfugiés syriens, l’UOSSM dispose de cinq centres de santé mentale, dont un à Gaziantep, un à Ankara et un à Istanbul. Nous employons principalement des psychiatres et des psychothérapeutes autorisés par le ministère de la santé turc, avec le soutien de l’Union européenne. Nos services les plus anciens ont ouvert il y a six ans. À ce jour, nous avons accueilli plus de 3 500 adultes et 3 000 enfants. Une partie de ce public manifeste des besoins dits spéciaux comme des troubles de l’apprentissage, du neuro-développement et du spectre autistique… En Syrie, nos services en santé mentale ont ouvert plus récemment, en 2017. Ils comptent une unité de soins d’une vingtaine de lits établie près de la frontière turque, pour les cas les plus sévères (schizophrénie, tentatives de suicide…) avec des admissions pour deux à quatre semaines. À ce jour, plus de 450 patients adultes y ont été accueillis par une équipe comptant notamment des psychiatres et des infirmiers. Une seconde unité intervient la relaie à la sortie des patients. Des travailleurs sociaux y interviennent notamment sur l’aspect psychosocial, via des thérapies et conseils aux patients et à leurs familles, en préventif comme en curatif. Cette seconde unité a bénéficié pour l’heure à plus de 11 000 personnes. Nous disposons aussi de quatre cliniques mobiles ciblant plus de 2 000 patients, avec des programmes d’éducation psychosociale, particulièrement pour les femmes et les enfants dans le nord de la Syrie, en dehors des zones contrôlées par le régime. Ce dispositif est complété par neuf centres de soins primaires, s’adressant à des dizaines de milliers de personnes. Chacun de ces centres comporte une section dévolue à la santé mentale, comprenant des travailleurs spécialisés sur le volet psychosocial. Nos services ne couvrent cependant qu’une fraction des besoins. L’un de nos défis majeurs est la qualification des équipes de terrain, toutes syriennes. Avec le conflit, de nombreux professionnels de santé sont partis en exil, d’où l’importance de la formation et de la supervision pour ceux restés sur place. C’est pourquoi nous organisons aussi des formations pratiques, dans le cadre de programmes soutenus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).