Les thérapies en réalité virtuelle
Utiliser la réalité virtuelle pour se confronter à ses angoisses ou bien la réalité augmentée pour prendre conscience de son corps… Ces deux dispositifs sont actuellement développés par des chercheurs dans l’optique de soigner des phobies, mais également la schizophrénie.
Plonger un patient dans un monde virtuel dans le contexte thérapeutique ne veut pas dire l’envoyer dans un monde irréel et fantastique afin qu’il puisse échapper aux réalités qui l’angoissent. Non, l’objectif des thérapies par réalité virtuelle est au contraire de mettre la personne dans des situations qui ressemblent à celles qui lui font peur dans la réalité. « Ce dispositif est fondé sur une interaction entre l’utilisateur et le monde virtuel. À la différence d’une vidéo, le sujet est en action. L’ordinateur reçoit des informations sur les mouvements du sujet par le biais de capteurs. S’il tourne la tête, l’environnement virtuel se modifie immédiatement », explique Élise Lallart, psychothérapeute et docteur en neurosciences au CHU de la Pitié-Salpêtrière. La personne est alors transposée dans un univers fictif. À la Pitié-Salpêtrière, Élise Lallart utilise la réalité virtuelle pour soigner certaines phobies, comme la peur de tomber. Assis sur une chaise, les patients sont invités à se déplacer par le biais d’une manette sur un terrain accidenté qui défile devant leurs yeux ou alors à descendre un escalier. « La réalité virtuelle permet au patient de revivre des émotions tout en apprenant à les maîtriser. Souvent la peur de tomber vient à la suite d’une chute ou d’un événement marquant comme le départ à la retraite, par exemple. Elle se manifeste par un comportement d’évitement ou une difficulté à marcher », explique Élise Lallart. Une thérapie comprend en général dix à quinze séances d’une heure au total avec un temps d’exposition d’au maximum 15 minutes, puis un entretien avec le thérapeute. Le thérapeute veille à ne pas prolonger trop longtemps le temps d’exposition, car cela peut provoquer des nausées ou des maux de tête. Il communique avec le patient durant ce temps. Il lui demande de décrire ce qu’il observe et d’évoquer ses sensations. Parfois, il peut utiliser des techniques de relaxation pour aider la personne à mieux gérer son anxiété.
À la Pitié-Salpêtrière, Élise Lallart utilise également la réalité augmentée, un dispositif qui mêle des images virtuelles et des éléments de réalité. Le sujet est alors plongé dans un environnement fictif, mais qui va intégrer l’image du sujet par le biais d’une webcam qui le filme. La personne se voit donc évoluer elle-même dans cet univers créé de toutes pièces.
La réalité augmentée est notamment utilisée pour traiter des troubles de l’image du corps chez des personnes anorexiques ou schizophrènes. Certaines personnes schizophrènes peuvent présenter des sensations de morcellement. Elles ne perçoivent pas toujours leur corps de façon unie. Elles peuvent aussi avoir l’impression qu’un être extérieur les pousse à faire certaines actions. L’objectif de la réalité augmentée est donc de les aider à prendre conscience de leur corps. « Dans les exercices de réalité augmentée, la personne se voit être acteur de ses propres actions, ce qui va renforcer l’agentivité, le fait de se reconnaître comme l’agent de ses propres mouvements. C’est une forme de thérapie du corps », affirme Élise Lallart. Plutôt que de renforcer l’évasion dans un monde parallèle, la réalité virtuelle pourrait donc bien au contraire aider des patients schizophrènes à reprendre pied dans le réel.