Jacques Fontanille, professeur à l'université de Limoges, membre de l'Institut universitaire de France, est une des grandes figures de la sémiotique française. Cette discipline étudie la façon dont le sens se construit, quel que soit le type de discours (images, vêtements, textes, gestes). Pendant la période structuraliste des années 1960, la sémiotique s'était essentiellement intéressée à la logique interne des récits, évacuant l'émetteur et le récepteur. Puis, elle s'est progressivement ouverte à l'influence de la phénoménologie, qui place en son centre la perception du sujet. Le sens est désormais incarné, et ce sont ces « figures du corps » que l'auteur entreprend d'étudier. D'où le titre Soma et Séma, respectivement « corps » et « signe » en grec.
Car dans toute communication, le corps est mobilisé. Il est le premier médiateur de toute signification. La question est de savoir comment on passe de la perception à la signification, ou plus exactement comment les deux s'étayent mutuellement. Sans ignorer les points de vue développés par les sciences cognitives, l'anthropologie ou la psychanalyse, J. Fontanille propose une approche spécifiquement sémiotique afin d'observer comment « l'intelligible émerge du sensible ». Le corps y est abordé comme lieu de perception (ce par quoi on éprouve), mais également comme représentation (la façon dont on le figure). L'auteur souligne l'importance de la polysensorialité dans le processus d'interprétation, c'est-à-dire la manière dont la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût ou le toucher « peuvent collaborer pour engendrer des significations cohérentes ».
S'il prend appui sur l'analyse de divers documents (films, textes, tableaux), l'ouvrage est essentiellement théorique et le vocabulaire spécialisé employé - d'une précision quasi chirurgicale - peut le rendre difficile d'accès. Mais il témoigne de l'évolution de la sémiotique, intégrant désormais pleinement la dimension sensible, car « il n'y a de signification observable que si des corps gardent les traces des interactions avec d'autres corps », dans ce que J. Fontanille propose d'appeler une sémiotique de l'empreinte.
Michèle Petit
Anthropologue, ingénieure de recherche honoraire du CNRS. Auteure de Lire le monde. Expériences de transmission culturelle aujourd’hui, Belin, 2014.