Les gens aiment leur travail, mais ils en souffrent : voilà le paradoxe.
Oui, une très grande majorité de gens apprécient leur travail. Huit Français sur dix déclarent aimer leur travail : tel est le bilan de la vaste enquête publiée par la CFDT début 2017. Autre donnée significative : seulement une petite minorité déclarent n’aller au travail que pour des raisons strictement alimentaires. Certes, il existe bien des bullshit jobs, « jobs à la con » (du travail à la chaîne à l’abattage des bêtes dans un abattoir) mais dans l’ensemble les gens déclarent apprécier leur travail.
Comment expliquer l’essor de la souffrance au travail : stress, fatigue, déprime, absentéisme, burnout et, dans les cas extrêmes, suicide ou karochi (une pathologie japonaise synonyme de « mort d’épuisement »). Le symptôme le plus courant du mal-être au travail, c’est le « blues du dimanche soir » : il est quasi universel, si on en juge par les enquêtes internationales. Tous les pays développés, toutes les catégories d’emplois sont concernés : même ceux qu’on pouvait juger naguère privilégiés, comme les médecins, les cadres supérieurs et les chercheurs.
Comment en est-on arrivé là ? On peut regrouper les explications en quatre causes principales.
1. Les impératifs économiques
Une première explication s’impose. Tous les secteurs de travail sont soumis à des pressions économiques très fortes : le diktat du marché pour les uns, les exigences des actionnaires pour les autres, les réductions budgétaires pour certaines administrations. Partout, on entend le même son de cloche : « il faut faire plus avec moins », avec pour conséquence logique : des exigences de performance accrue, avec parfois de brutales réductions d’effectifs. Or, l’équation est simple : quand on réduit les moyens et que la charge de travail augmente, la pression sur le personnel ne peut que s’accroître. Le phénomène a touché tous les secteurs de travail, public comme privé, PME et grand groupes, artisans et professions libérales. Dans les hôpitaux, les moyens ne sont pas en baisse, mais les budgets ne suivent pas la montée d’une demande toujours plus forte.