À partir du 16e siècle, un ensemble de mouvements démographiques et culturels transforment le territoire de l’Arabie et le relient plus fermement aux échanges régionaux. Cette intégration constitue l’un des principaux facteurs de l’évolution politique des États de la Péninsule.
L’Arabie convoitée
Encens, épices, or, pierres précieuses… Dès l’antiquité et le Moyen-Âge, la péninsule Arabique est un lieu de passage et de commerce. De puissants royaumes s’y constituent à partir des villes des cités-oasis, puis des villes portuaires. Ils coexistent avec les larges territoires des tribus nomades. La Péninsule est alors intégrée aux grands réseaux de commerce. D’abord aux mains des marchands arabo-musulmans et indiens, ce commerce éveille l’intérêt des Portugais qui se lancent à l’assaut de l’Asie via le cap de Bonne Espérance et l’Océan indien à partir du 16e siècle. Le Portugal établit un réseau de comptoirs jusqu’à Mascate et Hormuz et multiplie les expéditions militaires et commerciales. Mais il s’y heurte à l’empire ottoman. Afin de contrôler l’accès des villes saintes et des routes du commerce avec l’Asie, les Ottomans se sont en effet établis au début du 16e siècle au Hedjaz, en Irak, au Yémen et dans l’Est de la Péninsule.
Au 18e siècle, la compétition entre ces deux empires est perturbée par l’arrivée de nouveaux concurrents arabes, persans et européens. Ainsi, la Compagnie des Indes orientales britannique aide les Perses safavides à reprendre aux Portugais le contrôle de Bahreïn (1602) et d’Hormuz (1622). Les compagnies européennes (britannique, néerlandaise et française) profitent du retrait progressif des Portugais et des Ottomans pour s’établir le long des côtes de la Péninsule, soutenant ou combattant selon les circonstances les empires safavides et omanais. Ces conflits n’empêchent pas le commerce, y compris en période de guerre.
Ces dynamiques extérieures modifient profondément la Péninsule. L’accélération du commerce favorise l’urbanisation et la constitution de cités contrôlées par des émirs qui encouragent le travail intellectuel et religieux des oulémas et l’activité des marchands. Au sein de ces formations politiques, la lutte contre l’occupation étrangère, ainsi que des facteurs religieux, encouragent la formation des premiers États modernes de la région.
Ces États bénéficient des flux commerciaux terrestres et maritimes. Les imams et sultans ibadites, par exemple, constituent un empire commercial qui s’étend de l’Afrique de l’Est au Golfe. Le port de Moka est, quant à lui, soigneusement contrôlé par les imams du Yémen au moment où il connaît une forte croissance commerciale liée à la mode du café exporté en Égypte et en Méditerranée.