Syndicats et point médian

Quels services rendent les syndicats ?

Je me permets de réagir à l’article paru dans le numéro 337 de Sciences Humaines (juin 2021) sur les forces et faiblesses des syndicats français. Cet article ne prend pas en compte leur histoire, qui explique la situation actuelle. Les syndicats ont commencé à exister en France au début du 20e siècle comme dans d’autres pays européens. Mais après le congrès de Tours, les syndicats français ont repris la philosophie léniniste (partagée par les trotskistes et les staliniens) de l’avant-garde révolutionnaire, pour qui il importe d’avoir une petite élite représentative du peuple, et en avance sur la pensée des masses prolétaires. Il ne faut donc pas avoir trop de militants, il faut les acculturer à la pensée de cette élite et il ne faut pas cogérer la situation des salariés, mais plutôt travailler à la révolution. C’est pourquoi tous les mouvements coopératifs et/ou mutualistes développés avant la Première Guerre mondiale ont poursuivi leur existence indépendamment des syndicats. Cette situation est très différente de celle des pays anglo-saxons ou du Nord de l’Europe. Elle s’est renforcée après la Seconde Guerre mondiale, malgré la création de FO et la présence minoritaire de la CFTC chrétienne. Contrairement aux pays du Nord et anglo-saxons, les syndicats français n’offrent pas en moyenne de services à leurs adhérents, sauf ceux des enseignants, des agriculteurs et de quelques entreprises publiques, ce qui explique l’existence de syndicats indépendants comme la FEN. Certes, comme vous l’indiquez, les syndicats français sont cogestionnaires du logement social, du chômage, des caisses d‘allocations familiales, des retraites complémentaires, mais personne ne pense à demander un logement, une indemnité, sa retraite ou une aide sociale à son syndicat. Les syndicats français ne cherchent pas à augmenter leurs effectifs en offrant des services à leurs adhérents. Par ailleurs, les syndicats cogestionnaires avec le patronat ne présentent jamais leurs points de vue sur les décisions prises, et n’en font pas un argument d’adhésion ou de soutien. Imaginer des syndicats qui offrent des services, servent de relais aux demandes sociales et expliquent leurs choix de gestion et d’affectation des fonds permettrait aux salariés de voter ou adhérer en fonction de leurs propositions. Ce serait une vraie révolution pour tous les salariés des petites ou grandes entreprises ! L’État finance les syndicats et tout le monde déclare ses revenus : il devrait être possible à chacun sur sa déclaration d’impôt de choisir le syndicat qu’il souhaite voir soutenir par l’État. Une idée parmi d’autres pour développer la démocratie dans ce secteur.