Quelles sont les spécificités du mouvement de contestation syrien ?
Il s'inscrit avant tout dans la suite des mouvements de contestation de l'autoritarisme commencés en Tunisie et en Egypte, puis étendus par effet d'imitation dans le reste du monde arabe. Leur moteur fondamental est l’idée qu'il est possible de se débarrasser d'un régime dictatorial policier par la force de mouvements massifs, pacifiques, sans leadership affiché et au nom de revendications civiques et éthiques (1). Ces mouvements visent à prendre le contrôle de l’espace public, et ont d’abord été portés par les jeunes générations, fortement majoritaires numériquement. Ils ne relèvent pas des idéologies liées à l’Islam politique (islamisme).
En pratique, le mouvement en Syrie a suivi un schéma tunisien : il est parti de régions périphériques délaissées et souffrant de difficultés socio-économiques, comme les villes de Deraa, Banyas, Lattaquié. Il s’est propagé ensuite vers les centres urbains plus importants. Les acteurs de ce mouvement sont les laissés-pour-compte, ceux qui ne profitent pas des retombées de la modernisation impulsée depuis dix ans par le régime de Bachar el-Assad. Les bénéfices sont accaparés par une petite minorité qui s'enrichit dans l’immobilier, les banques, le tourisme, etc. Le reste de la population vit avec difficulté, particulièrement dans le monde rural ou dans les banlieues urbaines accueillant l’exode rural. Les revendications socio-économiques se transforment alors en revendications politiques qui dénoncent l’autoritarisme du régime.
Mais la principale spécificité de la Syrie par rapport aux autres pays du monde arabe est que la vague contestatrice se heurte à une résistance du régime particulièrement dure. Ce régime, en effet très autoritaire, s’appuie à la fois sur certaines unités de l’armée qui lui sont proches et sur les forces paramilitaires pour contenir par la violence massive un mouvement de mobilisation de plus en plus large.