Fin 2008, Tamás Bereczkei et ses collaborateurs de l’université de Pécs, en Hongrie, publiaient dans Proceedings of the Royal Society B un article démontrant statistiquement que, homme ou femme, nous choisissons un(e) conjoint(e) dont les traits nous rappellent ceux de notre mère (ou de notre père). Si les auteurs sont restés prudents dans leurs conclusions, cette hypothèse fut interprétée par des commentateurs enthousiastes comme une confirmation du complexe d’Œdipe, qui selon les théories psychanalytiques représente une étape décisive de notre enfance où nous désirons le parent du sexe opposé, en considérant l’autre comme un rival. La compréhension qu’un tel amour est impossible nous ferait intégrer les interdits sociaux, mais laisserait des traces inconscientes à l’origine de nos névroses d’adultes. Or le choix d’un conjoint nous rappelant physiquement ce parent intouchable ne suggère-t-il pas une persistance du désir œdipien ? Seulement voilà : un universitaire finlandais, Markus Rantala, a tiqué devant les résultats de l’étude. Par exemple, les hommes choisiraient des femmes dont la mâchoire évoquerait à 92,8 % celle de leur mère, ni plus ni moins ! La revue scientifique, alertée, a diligenté un expert indépendant qui a relevé des fautes suffisamment graves dans le traitement des données pour que l’article soit retiré. Dans la foulée, T. Bereczkei a fait amende honorable, admettant avoir travaillé trop vite et avec trop d’enthousiasme. Pour autant, il estime que la ressemblance avec les mâchoires pourrait n’être que de 70 %, score conséquent malgré tout. Une psychologue anglaise, Lynda Boothroyd, vole à son secours en signalant que dans une de ses recherches, les filles fortement attachées à leur père préfèrent des partenaires dont le visage présente 20 à 40 % de similarités avec la figure paternelle, ce qui n’est pas incompatible avec une vision freudienne. M. Rantala crie à l’escroquerie. Allons, décrispons-nous les maxillaires…
Marc Olano