Qu'on l'approuve ou non, le diagnostic d'américanisation des télévisions publiques européennes est souvent tenu pour évident. Il s'appuie sur le constat que bon nombre de jeux, de feuilletons et de séries télévisées sont, depuis le début des années 80, directement acquis aux Etat-Unis ou fidèlement copiés à partir du modèle d'origine. On dénonce volontiers les risques de perte d'identité culturelle et financière que cela peut entraîner.
Toutefois, selon Jérôme Bourdon, de l'université de Tel-Aviv, il ne s'agit pas d'un phénomène entièrement nouveau. L'histoire des télévisions montre que la question s'est déjà posée dès les années 50 en Angleterre et en France, en termes parfois très vifs : les commentateurs s'élevaient contre la « dégénérescence culturelle » véhiculée par le divertissement à l'américaine. C'est pourquoi les réalisateurs, mis à part en Italie, se refusèrent à acquérir ou à copier directement les formats de jeux ou de shows américains, en particulier en France, où l'accent mis sur la mission culturelle de la télé limita grandement l'espace dévolu au genre. Il n'en alla pas de même pour des programmes plus sérieux comme le journal télévisé : au cours des années 70, les modèles du « presentateur unique » et du talk-show, copiés sur les pratiques de CBS, s'imposèrent subrepticement dans toutes les télévisions européennes, c'est-à-dire sans que leur origine étrangère soit mise en avant ou relevée. Auparavant, la formule classique était celle des speakers, se partageant la tâche de lire les dépêches.