Tous les terrains sont « sensibles » mais certains le sont plus que d'autres. En particulier ceux qui se déroulent dans un contexte marqué par le danger, la souffrance, la violence. Les enquêtes dont il est question ici ont été réalisées auprès de populations marginalisées ou stigmatisées (réfugiés, migrants, demandeurs d'asile, sans papiers, squatters). Sur ces terrains, les questions méthodologiques, épistémologiques et éthiques se posent d'emblée et avec acuité. Cet ouvrage collectif s'inscrit dans la lignée de l'anthropologie réflexive. Il apporte des témoignages qui nourrissent la réflexion. Les auteurs montrent notamment que la position d'extériorité ou de surplomb est intenable. L'enquête implique toujours un échange fondé sur un don (l'acceptation dans le groupe, l'information livrée) et un contre-don (la gratification symbolique, l'aide, la restitution du savoir). Sur fond de forte politisation, ces terrains suscitent une demande sociale forte et appellent à un engagement de l'ethnologue. Le chercheur est donc placé entre une neutralité impossible et une implication délicate et périlleuse. Il court le risque d'être instrumentalisé, de développer une relation d'enquête basée sur la méfiance ou la compassion. Les techniques d'enquêtes, les postures du chercheur dans le groupe social qu'il étudie, mais aussi ses relations avec les institutions, sont ici utilement questionnées.
Marc Olano